Auteur: Abdu'l-Bahá (révélation 1911)
Edition : MEB 1996 - isbn: 2-87203-101-4
Table des matières
1. Allocutions publiques
1.1. Le temple de la cité: introduction
1.2. Allocution donnée par Abdu’l-Bahá au temple de la cité
1.3. Eglise de saint jean a westminster: introduction
1.4. Discours de Abdu’l-Bahá a l’église de saint jean a westminster
1.5. La société théosophique: introduction
1.6. Discours donné par Abdu’l-Bahá au siège théosophique
1.7. La réception d’adieu: introduction
1.8. Réunion d’adieu à Abdu’l-Bahá
1.9. Allocution d’adieu de Abdu’l-Bahá
1.10. Dix Cheniston gardens, Londres ouest
1.11. Un message de Abdu’l-Bahá pour the Christian Commonwealth
1.12. Discours donné a la fête de l’unité chez Mlle E.J. Rosenberg
1.13. Discours chez madame Thornburgh-cropper
1.14. Discours à la fête de l’unité chez Mlle jack et Herrick
2. Notes de conversations
2.1. L’arrivée a Londres
2.2. Londres
2.3. Les différends
2.4. La religion
2.5. Discours a une assemblée de théosophes
2.6. Les préjuges
2.7. La théosophie
2.8. La paix
2.9. Les manifestations divines
2.10. Le bouddhisme
2.11. La foi
2.12. La guérison
2.13. Les oeuvres philanthropiques
2.14. Connaissance de dieu et des mondes de l’au-delà par l’homme
2.15. Les manifestations divines
2.16. Notes d’une conversation avec Abdu’l-Bahá
2.17. Les idéaux de l’est et de l’ouest
2.18. La science et la foi
2.19. Les relations avec des personnes décédées
2.20. Les superstitions sont-elles utiles?
2.21. La vie après la mort
2.22. La relation spirituelle
2.23. Un mariage bahá’í
2.24. La visite a bristol
2.25. A Byfleet
2.26. La captivité de l’homme
2.27. Le pouvoir de dieu
2.28. Les messagers inspirés
2.29. L’éducation
2.30. Le changement du coeur
2.31. Christ et Bahá’u’lláh
2.32. L’art
2.33. Les symboles
2.34. L’esperanto
2.35. Tolstoï
2.36. La guérison
2.37. La mort
2.38. Un vrai bahá’í
2.39. Propager l’enseignement
2.40. A Brooklands
2.41. Les journées à Londres
2.42. Le travail des femmes
2.43. Zenobie
2.44. Le vrai bahá’í
2.45. La venue de la paix
2.46. Le coeur pur
2.47. La vraie spiritualité
2.48. La connaissance doit se concrétiser par l’action
2.49. La visite au lord maire
2.50. Quelques caractéristiques personnelles
2.51. L’adieu
2.52. Entrevue au Weekly budget
2.53. Salutations d’adieu pleines d’affection
2.54. Salutations de Abdu’l-Bahá envoyées de paris pour Londres
2.55. Message aux bahá’ís de Londres pour le jour de Abdu’l-Bahá
Voyages de Abdu’l-Bahá de 1908 a 1913
Préface et introduction
1. ALLOCUTIONS PUBLIQUES
1.1. LE TEMPLE DE LA CITÉ: INTRODUCTION
Le 10 septembre 1911, le premier dimanche après son arrivée en Angleterre, répondant au souhait du pasteur, le révérend R.J. Campbell, Abdu’l-Bahá parla, du haut de la chaire du temple de la cité lors de l’assemblée du soir.
Bien que la venue de Abdu’l-Bahá n’ait pas été annoncée, l’église était pleine à craquer. Peu oublieront l’image de cette figure vénérable vêtue de son habit oriental, montant les marches de la chaire pour la première allocution de sa vie lors d’une réunion publique. Que ce fut dans un lieu de culte chrétien en Occident avait en soi une profonde signification.
Le révérend Campbell présenta le visiteur en ces quelques mots simples:
« Nous, en tant que disciples du Seigneur Jésus-Christ, qui est pour nous et sera toujours la lumière du monde, voyons avec sympathie et respect chaque mouvement de l’Esprit de Dieu dans le champ de l’humanité, et donc nous saluons Abdu’l-Bahá au nom de tous ceux qui partagent l’Esprit de notre Seigneur, et essaient de vivre leur vie dans cet Esprit. Le mouvement Bahá’í est très ressemblant, je pense que je pourrais dire identique, au dessein spirituel de la Chrétienté ».
Avant de quitter l’église, Abdu’l-Bahá écrivit, dans l’ancienne Bible utilisée par des générations de prêcheurs, en persan, sa propre langue maternelle, les mots suivants dont voici la traduction.
Inscription dans l’ancienne Bible [nota : inscription écrite en persan par Abdu’l-Bahá]:
« Ce livre est le Livre Saint de Dieu, d’inspiration céleste. C’est la Bible du Salut, le noble Evangile. C’est le mystère du Royaume et sa lumière. C’est la bonté divine, le signe de la guidance de Dieu. Abdu’l-Bahá ‘Abbas ».
1.2. ALLOCUTION DONNÉE PAR ABDU’L-BAHA AU TEMPLE DE LA CITÉ
Dimanche 10 septembre 1911
Ô nobles amis, vous qui êtes dans la quête de Dieu!
Louange soit à Dieu!
Aujourd’hui la lumière de Vérité brille en abondance sur le monde; les brises du jardin céleste soufflent sur toutes les régions; l’appel du Royaume s’entend dans toutes les contrées, et tous les coeurs fidèles ressentent le souffle du Saint-Esprit. L’Esprit de Dieu donne la vie éternelle. En cet âge merveilleux l’Est est illuminé, l’Ouest est embaumé, et partout l’âme respire le saint parfum. La mer de l’unité de l’humanité soulève ses vagues avec joie, car il existe une réelle communication entre les coeurs et les esprits des hommes. La bannière du Saint-Esprit a été hissée, et les hommes la voient, et sont réconfortés de savoir que c’est un jour nouveau.
C’est un nouveau cycle du pouvoir humain. Tous les horizons du monde sont lumineux, et le monde deviendra en vérité pareil à un jardin et à un paradis. C’est l’heure de l’unité des fils des hommes et du rassemblement de toutes les races et de toutes les classes. Vous êtes délivrés des anciennes superstitions qui ont maintenu les hommes dans l’ignorance, détruisant les fondations de la véritable humanité.
Le don de Dieu en cet âge illuminé est la connaissance de l’unicité de l’humanité et de l’unicité fondamentale de la religion. La guerre cessera entre les nations, et par la volonté de Dieu, la Plus Grande Paix viendra; le monde sera perçu comme un nouveau monde, et tous les hommes vivront comme des frères.
Jadis, un instinct belliqueux s’était développé dans la lutte contre les animaux sauvages; ce n’est plus nécessaire; au contraire, on reconnaît que la coopération et la compréhension mutuelles concourent à rendre l’humanité plus prospère. L’inimitié n’est maintenant que le résultat du préjugé.
Dans les Paroles cachées, Bahá’u’lláh dit: « Ce que j’aime par-dessus tout est la Justice » [voir : « Les Parole cachée » 1.2]. Louange à Dieu, dans ce pays le niveau de la justice s’est élevé; un grand effort est fait pour donner en toute équité une véritable place à toutes les âmes. C’est le désir de toutes les natures nobles; c’est aujourd’hui l’enseignement pour l’Est et pour l’Ouest; ainsi, l’Est et l’Ouest se comprendront, se respecteront, et s’embrasseront comme des amoureux longtemps séparés qui se sont retrouvés.
Il n’y a qu’un Dieu; l’humanité est une; les fondements de la religion sont uns. Adorons-Le et rendons grâce pour tous Ses grands Prophètes et Messagers qui ont manifesté Son éclat et Sa gloire.
Que la bénédiction de l’Eternel soit avec vous dans toute sa richesse, et que chaque âme puisse la recevoir librement et selon sa capacité. Amen.
[nota: Allocution donnée en persan par Abdu’l-Bahá du haut de la chaire du temple de la cité; la traduction anglaise fut lue à l’assemblée par Monsieur W. Tudor-Pole. Cette allocution a été imprimée avec l’aimable autorisation de The Christian Commonwealth du 13 septembre 1911]
1.3. ÉGLISE DE SAINT JEAN A WESTMINSTER: INTRODUCTION
Le 17 septembre, à la demande de l’Archidiacre de Westminster, Abdu’l-Bahá donna une allocution après le service du soir, devant une assemblée de paroissiens de l’église de Saint Jean le Divin[nota :cette église située à Smith Square a été bombardée pendant la seconde guerre mondiale (cf. Baluyzi, Abdu’l-Bahá, The Centre of the Covenant of Bahá’u’lláh, p.145, George Ronald, Oxford, 1987)].
Par quelques mots chaleureux caractéristiques de toute son attitude, l’archidiacre Wilberforce présenta le révérend messager de l’Est, qui avait traversé terres et mers afin d’accomplir la mission de paix et d’unité pour laquelle il avait souffert quarante années de captivité et de persécution.
L’archidiacre avait fait placer la chaire de l’évêque pour son invité sur les marches du choeur, et se tenant à ses côtés il lut lui-même la traduction de l’allocution de Abdu’l-Bahá. L’assemblée fut profondément émue, et suivant l’exemple de l’archidiacre, s’agenouilla pour recevoir la bénédiction du Serviteur de Dieu, qui se tenait debout, bras grands ouverts, sa voix merveilleuse s’élevant et retombant dans le silence avec toute la puissance de son invocation.
L’archidiacre prononça ces mots: « En vérité, l’Est et l’Ouest se sont rencontrés ce soir en ce lieu sacré ». L’hymne « O Dieu notre aide dans les temps passés » fut chanté debout par l’assistance entière, alors que Abdu’l-Bahá et l’archidiacre descendaient les bas-côtés main dans la main en direction de la sacristie.
A l’extérieur de l’église, les membres de l’Armée du Salut tenaient une réunion et Abdu’l-Bahá fut très impressionné et touché à la vue de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants rassemblés dans la nuit, au coin de la rue, priant et chantant.
1.4. DISCOURS DE ABDU’L-BAHA A L’ÉGLISE DE SAINT JEAN A WESTMINSTER
Dimanche 17 septembre 1911
Ô nobles amis! Ô vous qui êtes en quête du Royaume de Dieu!
Les hommes partout dans le monde cherchent Dieu. Tout ce qui existe est Dieu; mais la réalité de la Divinité est sainte, au-delà de toute compréhension.
Les images de la Divinité qui viennent à notre esprit sont le produit de notre fantaisie; elles existent dans le royaume de notre imagination. Elles ne sont pas conformes à la vérité; la vérité dans son essence ne peut être mise sous forme de mots.
La Divinité ne peut être comprise car c’est Elle qui comprend.
L’homme, qui a aussi une existence réelle, est compris de Dieu; ainsi, n’est-ce qu’une partie de la Divinité que l’homme peut comprendre, et non la totalité. La Divinité est la Vérité même et la véritable existence, et non une quelconque représentation de celle-ci. La Divinité elle-même contient tout, elle n’est pas contenue.
Bien que le minéral, le végétal, l’animal et l’homme aient une existence réelle, le minéral n’a cependant aucune connaissance du végétal. Il ne peut pas l’appréhender. Il ne peut pas l’imaginer ni le comprendre.
Il en est de même pour le végétal. Quelque soient les progrès qu’il puisse accomplir et quelque soit le degré de développement qu’il puisse atteindre, il n’appréhendera jamais l’animal, ni ne le comprendra. Il restera pour ainsi dire « sans information sur lui ». Il n’a ni ouïe, ni vue, ni entendement.
Il en est de même pour l’animal. Aussi loin qu’il puisse progresser dans son propre règne, aussi affinés que deviennent ses sens, il n’aura aucune notion réelle du monde de l’homme ou des facultés intellectuelles spécifiques à l’homme.
L’animal ne peut comprendre que la terre est ronde, ni son mouvement dans l’espace, ni la position centrale du soleil, il ne peut imaginer une chose telle que l’infini du ciel.
Bien que le minéral, le végétal, l’animal et l’homme soient des êtres réels, la différence entre leurs règnes empêche les membres d’un degré inférieur de comprendre l’essence et la nature de ceux d’un degré supérieur. Cela étant, comment le temporel et le phénoménal pourraient-ils comprendre le Seigneur des armées célestes?
Il est clair que c’est impossible!
Mais l’Essence de la Divinité, le Soleil de vérité, brille sur tous les horizons et rayonne sur toutes les choses. Chaque créature est le réceptacle d’une certaine quantité de ce pouvoir, et l’homme, qui possède la perfection du minéral, du végétal et de l’animal, ainsi que ses propres qualités spécifiques, est devenu le plus noble des êtres créés. Il est écrit qu’il a été fait à l’image de Dieu. Les mystères qui étaient cachés, il les découvre, et les secrets qui étaient enfouis, il les porte à la lumière. Par la science et au moyen de l’art il introduit dans le domaine du monde visible des pouvoirs jusqu’ici cachés. L’homme perçoit la loi cachée dans les choses créées et travaille avec elle.
Enfin, l’homme parfait, le Prophète, est celui qui est transfiguré, celui qui a la pureté et la clarté d’un miroir parfait, celui qui réfléchit le Soleil de Vérité. D’un tel être, d’un tel Prophète et Messager, nous pouvons dire que la lumière de la Divinité demeure en lui avec les perfections célestes.
Si nous prétendons que le soleil se voit dans le miroir, nous ne voulons pas dire que le soleil lui-même est descendu des saintes hauteurs de son paradis et est entré dans le miroir! C’est impossible. La nature divine se voit dans les Manifestations et Sa lumière et Sa splendeur y sont visibles au plus haut degré de la gloire.
Ainsi, les Prophètes de Dieu ont toujours enseigné et guidé les hommes. Les Prophètes de Dieu sont les Médiateurs de Dieu. Tous les Prophètes et tous les Messagers sont venus d’un unique Saint-Esprit et portent le message de Dieu, adapté à l’âge dans lequel ils apparaissent. La même lumière est en eux et ils sont Un. Mais l’Eternel ne devient pas phénoménal; tout comme le phénoménal ne peut devenir Eternel.
Saint Paul, le grand apôtre, a dit :
« Et nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande, par le Seigneur, qui est Esprit ». [voir : II Corinthiens, 3:18, La Bible, traduction oecuménique en français]
O Dieu Celui qui pardonne! O Educateur céleste! Cette assemblée est parée de la mention de ton saint Nom. Tes enfants tournent leur visage vers ton Royaume, les coeurs sont rendus heureux et les âmes sont réconfortées.
Dieu Miséricordieux! Fais que nous nous repentissions de nos défauts! Accepte-nous dans Ton Royaume céleste et donne-nous une demeure dans laquelle il n’y aura pas d’erreur. Donne-nous la paix, donne-nous la connaissance et ouvre-nous les portes de Ton paradis.
Tu es Celui qui donne tout! Tu es Celui qui pardonne! Tu es le Miséricordieux! Amen.
1.5. LA SOCIETÉ THÉOSOPHIQUE: INTRODUCTION
Le 30 septembre 1911, Abdu’l-Bahá rencontra la Société théosophique à son nouveau siège, à la demande expresse de sa présidente Madame Annie Besant. Après un aperçu historique du mouvement et les mots chaleureux de bienvenue de Monsieur A.P. Sinnet, Abdu’l-Bahá se leva et donna à un très vaste auditoire une allocution sur les signes distinctifs de l’enseignement Bahá’í, faisant chaleureusement l’éloge de l’ardeur de la Société dans sa quête de la vérité.
1.6. DISCOURS DONNÉ PAR ABDU’L-BAHA AU SIÈGE THÉOSOPHIQUE
Samedi 30 septembre 1911
O Assemblée digne de respect! O amis de la vérité!
La nature inhérente du feu est de brûler, la nature inhérente de l’électricité est de donner la lumière, la nature inhérente du soleil est de briller, et la nature inhérente de la terre organique est le pouvoir de croissance. Il est impossible de dissocier une chose et ses qualités inhérentes.
C’est la nature inhérente des choses de cette terre de changer; ainsi voyons-nous autour de nous le changement des saisons. Chaque printemps est suivi d’un été et chaque automne apporte un hiver, chaque jour une nuit et chaque soir un matin. Il existe une séquence en toutes choses.
Ainsi quand la haine et l’animosité, le combat, le massacre, et une grande froideur de coeur gouvernaient le monde, et que l’obscurité avait enveloppé les nations, Bahá’u’lláh, telle une étoile brillante, s’éleva à l’horizon de la Perse et brilla de sa grande lumière de direction, donnant un rayonnement céleste et établissant un nouvel enseignement.
Il énonça les principales vertus humaines. Il manifesta les pouvoirs spirituels, et mit ceux-ci en pratique dans le monde qui L’entourait.
1) Premièrement, Il mit l’accent sur la recherche de la vérité. C’est très important, parce que les hommes sont trop facilement menés par la tradition. C’est à cause de cela qu’il y a souvent des antagonismes et des disputes parmi eux.
Mais l’apparition de la vérité perce à travers l’obscurité et devient la cause de l’unicité de la foi et de la croyance: car la vérité ne peut être double! Cela n’est pas possible.
2) Deuxièmement, Bahá’u’lláh enseigna l’unicité de l’humanité; cela revient à dire que tous les enfants des hommes sont sous la miséricorde de ce Dieu qui est grand. Ils sont les enfants d’un seul Dieu; ils sont éduqués par Dieu. Il a placé la couronne de l’humanité sur la tête de chacun des serviteurs de Dieu. C’est pourquoi toutes les nations et tous les peuples doivent se considérer comme frères. Ils sont tous les descendants d’Adam. Ils sont les branches, les feuilles, les fleurs et les fruits d’un seul arbre. Ils sont les perles d’un seul coquillage. Mais les enfants des hommes sont en manque d’éducation et de civilisation, et ils ont besoin d’être polis jusqu’à ce qu’ils deviennent éclatants et brillants. L’homme et la femme devraient être tous deux également éduqués et également considérés.
Ce sont les préjugés raciaux, nationalistes, religieux et les préjugés de classe qui ont été la cause de la destruction de l’humanité.
3) Troisièmement, Bahá’u’lláh enseigna que la religion est le fondement principal de l’amour et de l’unité, et la cause de l’unicité. Si une religion devient cause de haine et de désaccord, il vaudrait mieux qu’elle n’existât point. Vivre sans une telle religion est préférable.
4) Quatrièmement, la religion et la science sont entrelacées et ne peuvent pas être séparées. Ce sont les deux ailes avec lesquelles l’humanité doit voler. Une seule aile n’est pas suffisante. Toute religion qui ne se sent pas concernée par la science est une simple tradition, et cela n’est pas l’essentiel. C’est pourquoi la science, l’éducation et la civilisation sont une nécessité impérieuse pour une vie religieuse pleine.
5) Cinquièmement, la réalité des religions divines est une, car la réalité est une et ne peut être double. Tous les Prophètes sont unis et constants dans leur message. Ils sont comme le soleil: de saisons en saisons ils s’élèvent de différents points de l’horizon. C’est pourquoi chaque Prophète dans le passé a annoncé la bonne nouvelle de Celui qui viendra, et chaque nouveau Prophète a accepté ceux du passé.
6) Sixièmement, l’égalité et la fraternité doivent être établies parmi tous les membres de l’humanité, cela est conforme à la justice. Les droits généraux de l’humanité doivent être garantis et préservés.
Tous les hommes doivent être également traités. Ceci est inhérent à la nature même de l’humanité.
7) Septièmement, les dispositions prises quant aux conditions de vie du peuple doivent être telles que la pauvreté disparaisse, et que chacun autant que possible, et en fonction de sa position et de son rang, bénéficie d’un certain confort. A l’instar des nobles et des autres personnes de haut rang qui vivent dans l’aisance, les pauvres aussi devraient pouvoir recevoir leur nourriture quotidienne et ne pas être réduits à souffrir de la faim.
8) Huitièmement, Bahá’u’lláh annonça la venue de la Plus Grande Paix. Toutes les nations et tous les peuples se rassembleront à l’ombre de la tente de la Grande Paix et de la Grande Harmonie; ce qui revient à dire qu’un grand Conseil d’Arbitrage sera établi lors d’une élection générale afin de régler tous les différends et toutes les querelles entre les puissances, pour que les conflits ne finissent pas en guerre.
9) Neuvièmement, Bahá’u’lláh enseigna que les coeurs doivent recevoir la bonté du Saint-Esprit afin que la civilisation spirituelle soit établie. Car la civilisation matérielle ne peut satisfaire les besoins de l’humanité et ne peut être la source de son bonheur. La civilisation matérielle est comme le corps et la civilisation spirituelle comme l’âme. Le corps ne peut vivre sans l’âme.
Cela est un bref résumé des enseignements de Bahá’u’lláh. Pour les énoncer, Bahá’u’lláh endura maintes peines et difficultés. Il fut constamment emprisonné et endura une grande persécution. Mais dans la forteresse, Il édifia un palais spirituel, et de l’obscurité de Sa prison Il fit rayonner une grande lumière sur le monde. [nota : forteresse d’Akka, aujourd’hui Acco en Israël, ville encore appelée St Jean d’Acre dans les ouvrages d’histoire]
C’est l’ardent désir des Bahá’ís de mettre en pratique ces enseignements et ils s’efforceront de tout leur coeur et de toute leur âme de consacrer leur vie à cet idéal, jusqu’à ce que la lumière céleste éclaire le monde entier.
Je suis très heureux d’avoir pu parler avec vous lors de cette rencontre et j’espère que ma profonde conviction vous est acceptable. Je prie pour vous afin que vous puissiez réussir dans vos aspirations et que les bontés du Royaume puissent vous combler.
1.7. LA RÉCEPTION D’ADIEU: INTRODUCTION
Le soir de la Saint Michel, une grande réception d’adieu fut organisée en l’honneur de Abdu’l-Bahá, dans la salle comble de l’établissement Passmore Edwards [nota : aujourd’hui le Centre Mary Ward (cf. Baluyzi, op.cit., p.153)] avec des représentants de toutes les confessions, certains venant de loin.
Sur l’estrade des hommes de différentes sensibilités de pensée entouraient Abdu’l-Bahá. Ils étaient présents pour exprimer toute leur sympathie pour le travail et la mission de leur grand visiteur. Le Professeur Michael E. Sadler présidait la soirée.
La réunion débuta par la prière du Notre Père récitée par l’assistance tout entière, suivie de la prière pour l’Unité de Bahá’u’lláh et d’une prière du cinquième siècle attribuée au Pape Gélase [nota :le Pape Gélase Ier (492-496)]. Ensuite le Professeur Sadler s’exprima d’une manière telle que, quiconque l’ayant écouté, ne pourra oublier les mots qu’il prononça. Dans son allocution il énonça un passage d’une prière universelle qui avait été soumise à Abdu’l-Bahá par un Bahá’í fervent, l’année précédente en Egypte, et que Abdu’l-Bahá avait complétée et approuvée pour que les croyants de toutes religions puissent la réciter aussi bien dans l’Est que dans l’Ouest.
Le Président de séance fut suivi par Sir Richard Stapley, Monsieur Eric Hammond, Monsieur Claude Montefiore, Madame Stannard d’Egypte et bien d’autres encore. Alors que Abdu’l-Bahá quittait la salle, les pauvres gens du voisinage se pressèrent sur le trottoir pour le voir et une petite fille au regard avide, estropiée et portant des béquilles, lui fut présentée.
1.8. RÉUNION D’ADIEU À ABDU’L-BAHA
Vendredi 29 septembre 1911
Reproduit avec l’aimable autorisation de The Christian Commonwealth du 4 octobre 1911.
Sur invitation de Madame Thornburgh-Cropper environ quatre cent soixante personnes de tout milieu se rassemblèrent dans la salle de l’établissement Passmore Edwards, sur la Place Tavistock, le dernier vendredi au soir, pour dire adieu à Abdu’l-Bahá ‘Abbas la veille de son départ pour Paris.
Etant arrivé à Londres le lundi 4 septembre au soir, il venait de passer parmi nous quatre semaines heureuses et bien remplies. A l’exception d’une courte visite à Bristol la semaine précédente, il demeura au 97 Cadogan Gardens [nota : voir longue note ci-dessous]. Le plus clair de son temps consistait en entretiens avec les personnes qui désiraient le rencontrer. Il y a avait de nombreux membres de grandes familles de ce pays, et d’autres qui avaient parcouru de longs trajets pour le voir.
Un merveilleux esprit régnait ce vendredi soir. L’atmosphère était très différente de celle d’une réunion ordinaire ou d’un simple rassemblement religieux. Tous ceux présents se sentirent enrichis par le caractère élevé et spirituel du déroulement de la soirée; les propos tenus furent tous empreints de fraternité, d’unité et de paix. Bien que leur compte rendu n’eût donné qu’une idée imprécise de l’effet produit, ces discours furent tellement bien conçus, si sincères et si exquisément prononcés qu’ils étaient dignes d’être reproduits. Parmi d’autres Amir ‘Ali Siyyid écrivit pour exprimer son regret de ne pouvoir être présent et l’Archidiacre Wilberforce envoya ses salutations affectueuses.
Après la prière du Notre Père et les prières pour l’Unité de Bahá’u’lláh et de Gélase [nota :le Pape Gélase Ier (492-496)], le Professeur Michael Sadler prit la parole dans les termes suivants.
Discours du Professeur Michael Sadler:
« Nous nous sommes rassemblés pour dire adieu à Abdu’l-Bahá, et rendre grâce à Dieu pour son exemple et son enseignement, et pour le pouvoir de ses prières qui apportent la lumière aux pensées confuses, l’espoir là où réside la crainte, la foi là où le doute régnait, et, aux coeurs troublés, l’amour qui domine la quête du moi et la peur. Bien que nous tous, dans notre allégeance pleine de dévotion, ayons nos propres convictions individuelles, Abdu’l-Bahá nous a apporté et nous apporte à tous un message d’unité, de sympathie, et de paix. Il nous invite tous à être vrais et sincères dans notre profession de foi, et à préserver par-dessus tout l’esprit au-delà de la lettre. Avec lui nous nous inclinons devant le Nom Caché, devant ce qui est en chaque vie la Vie Intérieure. Il nous invite à prier en conservant une loyauté sans faille à l’égard de notre propre foi, mais en en aspirant encore plus à l’union, la fraternité, et l’amour, et en nous tournant de tout notre coeur vers l’Esprit, afin que nous soyons mieux pénétrés de l’Esprit de Dieu, qui est au-dessus de toute classe, au-dessus de toute race et au-delà du temps. »
Le Professeur Sadler conclut avec une magnifique prière de James Martineau.
Monsieur Eric Hammond expliqua que le mouvement Bahá’í travaillait pour l’unité; un seul Dieu, un seul peuple; une myriade d’âmes manifestant l’unité divine, une unité tellement complète qu’aucune différence de couleur ou de croyance ne pourrait différencier une Manifestation de Dieu d’une autre, et une sympathie si vaste qu’elle inclut le plus humble, le plus insignifiant, le plus pauvre des hommes; l’unité, la sympathie et la fraternité menant à la concorde universelle. Il conclut avec une parole de Bahá’u’lláh selon laquelle la cause divine du bien universel ne pouvait se limiter ni à l’Est ni à l’Ouest.
Mademoiselle Alice Buckton déclara que nous étions aux prémices d’un des printemps du monde, et que l’influence de cette assemblée de personnes qui incarnent la pensée, le travail et l’amour se répandrait tout autour du monde, contribuant à l’unité et à la fraternité. L’égalité totale entre les hommes et les femmes est l’un des points clefs de l’enseignement Bahá’í.
Sir Richard Stapley remarqua que l’unité ne devait pas se rechercher dans les formes et les signes extérieurs de la religion, mais dans l’esprit intérieur. En Perse il y avait eu une telle impulsion vers la véritable unité que c’en était une leçon pour ce pays dit « chrétien ».
Monsieur Claude Montefiore, en tant que juif, se réjouit de voir grandir cet esprit d’unité, et cette réunion lui parut la prophétie d’un temps meilleur à venir, et en quelque sorte l’accomplissement de l’idée exprimée par Sir Thomas More, qui tomba martyr de la foi Catholique Romaine [nota :Thomas More fut décapité en 1535 pour avoir refusé de récuser l’autorité du Pape et pour ne pas avoir approuvé le divorce d’Henri VIII de Catherine d’Aragon (Utopia, Penguin Classics, Harmondsworth, 1984)], après avoir écrit sur la grande Eglise des Utopistes [nota :Utopistes a remplacé Utopiens vers 1790 (Larousse)], où sont rassemblées toutes sortes de croyances et où le service et la liturgie expriment l’unité la plus grande tout en tolérant des engagements particuliers.
Madame Stannard insista sur ce que signifiaient pour l’Est cette réunion et les sentiments exprimés ici, spécialement pour les femmes, dont la condition était difficile à comprendre pour l’Occident.
Tammaddun’ul-Mulk témoigna de l’effet unificateur que le mouvement Bahá’í avait eu en Perse, et de la merveilleuse façon dont il s’était répandu en Amérique et dans d’autres pays.
Enfin, Abdu’l-Bahá se leva pour donner une allocution en guise d’adieu. Avec une figure impressionnante, le visage plutôt fatigué, mais le regard animé, il resta debout pendant environ quinze minutes, parlant un persan doux et mélodieux. Les bras tendus, les paumes vers le haut, il termina par une prière.
[nota : à propos de l’appartement du Cadogan Gardens de Lady Blomfield (Sara Louisa), celle-ci est née en 1859 en Irlande d’une mère protestante et d’un père catholique. Elle acceptera la révélation de Bahá’u’lláh en 1907 à Paris après avoir entendu parler de la Foi par Mademoiselle Bertha Herbert à l’occasion d’une réception chez Madame Monod. Bertha Herbert lui fera rencontrer par la suite Mademoiselle Ethel Rosenberg et Hippolyte Dreyfus (premier Français bahá’í). De retour à Londres elle rencontrera Madame Thornburgh-Cropper (voir aussi les deux notes du chap. 2.23 « Un mariage bahá’í »). Abdu’l-Bahá lui fera l’honneur, en réponse à son invitation, de résider chez elle à Londres, au 97 Cadogan Gardens, en septembre 1911. Lady Blomfield suivra Abdu’l-Bahá à Paris début octobre 1911. Elle sera l’une des quatre femmes qui, grâce à leurs prises de notes, seront à l’origine de la publication des "Causeries d’’Abdu’l-Bahá à Paris". Lors de sa seconde venue en Grande-Bretagne, Abdu’l-Bahá retournera à Londres chez Lady Blomfield. Elle demandera la permission d’envoyer un message au Roi George V, mais Abdu’l-Bahá l’en dissuadera pour prévenir toute incompréhension. Lady Blomfield se mettra au service des blessés durant la première guerre mondiale tout en restant une active bahá’íe. Au printemps 1918, son action auprès de Lord Lamington permettra que le Secrétaire d’Etat britannique aux Affaires Etrangères, Arthur Balfour, télégra-phie au Général Allenby de protéger Abdu’l-Bahá, sa famille et ses amis. Elle recevra le nom de Sitarih Khanum de Abdu’l-Bahá. Elle fera partie des quelques bahá’ís qui auront à consoler le Gardien Shoghi Effendi à l’ascension de Abdu’l-Bahá, et qui l’accompagneront jusqu’à Haïfa pour commencer à l’assister sur place dans ses lourdes tâches. Elle y servira plusieurs mois durant l’absence du Gardien en 1922. Plus tard, de retour en Angleterre, elle écrira un livre sur tout ce qu’elle put voir et apprendre lors de son séjour en Terre sainte. Elle décédera le dernier jour de 1939, quelques semaines après avoir terminé la rédaction de son livre "The Chosen Highway" dont la Main de la cause de Dieu Hasan Balyuzi écrira à sa demande la préface, mais qu’elle n’aura jamais l’occasion de lire (O.Z. Whitehead, "Some Early Bahá’ís of the West", George Ronald, Oxford, 1976)]
1.9. ALLOCUTION D’ADIEU DE ABDU’L-BAHA
O nobles amis et vous qui êtes en quête du Royaume de Dieu!
Il y a environ soixante ans, au temps où le feu de la guerre embrasait les nations du monde, et où le sang versé était considéré comme un honneur pour l’humanité, au temps où le carnage de milliers d’êtres déshonorait la terre, où les enfants étaient rendus orphelins, où les pères étaient privés de fils et les mères se consumaient en sanglots, où l’obscurité de la haine et de l’animosité interraciales semblait envelopper l’humanité et masquer la lumière divine, où la brise du souffle saint de Dieu semblait avoir été coupée, en ce temps-là, Bahá’u’lláh se leva comme une étoile brillante à l’horizon de la Perse, inspiré par un message de paix et de fraternité pour les hommes.
Il apporta la lumière de direction au monde. Il alluma le feu de l’amour et révéla la grande réalité du véritable Bien-aimé. Il chercha à détruire les fondements des préjugés de religion, de race et de rivalité politique.
Il compara le monde de l’humanité à un arbre, toutes les nations aux branches, et les hommes aux feuilles, aux bourgeons et aux fruits.
Sa mission était de changer le fanatisme ignorant en amour universel, d’établir dans l’esprit de ses disciples la base de l’unité de l’humanité et de mettre en pratique l’égalité en son sein. Il déclara que tous les hommes étaient égaux devant la miséricorde et la bonté de Dieu.
C’est alors que la porte du Royaume s’ouvrit largement et que la lumière d’un nouveau paradis sur terre se révéla aux yeux de ceux qui voient.
Cependant Bahá’u’lláh connût de grandes épreuves et une tyrannie cruelle tout au long de sa vie. En Perse Il fut jeté en prison, enchaîné, et vécut constamment sous la menace de l’épée. Il fut méprisé et flagellé.
Quand Il eut environ trente ans Il fut exilé à Bagdad, et de Bagdad à Constantinople[nota :ancienne capitale de l’empire ottoman, aujourd’hui connue sous le nom d’Istanbul], et de là à Andrinople [nota :aujourd’hui Edirne, ville située à la pointe occidentale de la partie européenne de la Turquie] et finalement à la prison de Akka [nota :aujourd’hui Acco en Israël, ville encore appelée St Jean d’Acre dans les ouvrages d’histoire].
Enchaîné, de Sa cellule, Il réussit néanmoins à répandre Sa Cause, et à élever la bannière de l’unicité de l’humanité.
Maintenant, Dieu soit loué, nous voyons la lumière de l’amour brillant à l’Est et à l’Ouest; et la tente de l’amitié est dressée parmi tous les peuples afin de rassembler tous les coeurs et toutes les âmes.
L’appel du Royaume a retenti, et l’annonce du besoin de Paix Universelle a éclairé la conscience du monde.
Mon espoir est que grâce au zèle et à l’ardeur de la pureté du coeur, l’obscurité de la haine et des différends soit entièrement dissipée, et que la lumière de l’amour et de l’unité brille, que ce monde devienne un monde nouveau, que les choses matérielles deviennent le miroir de la Divinité, que les coeurs humains se rencontrent et s’étreignent, que le monde entier devienne la patrie de l’homme et que les différentes races se confondent en une seule.
Alors les disputes et les différends disparaîtront, et le divin Bien-aimé sera révélé sur cette terre.
De même que l’Est et l’Ouest sont illuminés par un seul soleil, de même toutes les races, toutes les nations et toutes les croyances seront considérées comme les serviteurs d’un seul Dieu. La terre entière est un seul foyer, et tous les peuples - si seulement ils en avaient conscience - baignent dans l’unicité de la miséricorde de Dieu. Dieu a tout créé. Il accorde la subsistance à tous. Il les guide et les éduque tous à l’ombre de Sa bonté. Nous devons suivre l’exemple que Dieu nous donne, et laisser de côté toutes les disputes et toutes les querelles.
Louange soit à Dieu! Les signes de l’amitié apparaissent, et en guise de preuve, moi qui vient aujourd’hui de l’Est, j’ai rencontré ici à Londres, en Occident, beaucoup d’amabilité, d’attention et d’amour, et j’en suis profondément reconnaissant et heureux. Je n’oublierai jamais ce temps passé en votre compagnie.
J’ai souffert pendant quarante ans dans une prison turque. Puis, en 1908 les jeunes Turcs du « Comité Union et Progrès » ébranlèrent les portes du despotisme et libérèrent tous les prisonniers, moi parmi eux. Je prie pour qu’une bénédiction soit sur tous ceux qui travaillent pour l’union et le progrès.
Dans le futur, de faux rapports seront répandus concernant Bahá’u’lláh dans le but d’empêcher l’expansion de la vérité. Je vous dis cela, afin que votre attention soit éveillée et que vous soyez préparés.
Je vous quitte avec pour prière que toute la beauté du Royaume soit vôtre. Regrettant profondément notre séparation, je vous dis au revoir.
[nota: La traduction de l’allocution d’adieu ayant été lue par le Professeur Sadler, Abdu’l-Bahá termina la réunion en donnant sa bénédiction d’un ton très mélodieux. Avant que ces lignes ne soient publiées Abdu’l-Bahá ‘Abbas aura quitté nos rivages, mais le souvenir de sa personnalité pleine de grâce restera vivace en nous. Son influence sera ressentie longtemps encore. Elle a déjà beaucoup contribué à promouvoir cette union de l’Est et de l’Ouest à laquelle tant ont tellement aspiré]
1.10. DIX CHENISTON GARDENS, LONDRES OUEST
[nota : les notes qui suivent sont extraites de The Quarterly Record of Higher Thought Work, novembre 1911]
L’un des événements les plus intéressants et les plus significatifs qui eurent lieu fut la visite de Abdu’l-Bahá à Londres. Le mage persan dont la vie, passée en prison, a été de promouvoir la paix et l’unité par une méthode infaillible qui consiste à aider au développement spirituel individuel, doit avoir au sens propre « senti le labeur de son âme et en avoir été satisfait ». Non seulement presque tous les vrais chercheurs de vérité et meneurs d’opinions de Londres lui rendirent une visite privée, mais son message fut aussi porté à la connaissance de milliers de gens qui avaient à peine entendu son nom auparavant.
Le centre de la « Higher Thought » était bien connu de Abdu’l-Bahá en tant que lieu où les Bahá’ís tenaient leurs réunions hebdomadaires sous la direction de Mademoiselle Rosenberg, et il accepta une invitation à ce centre deux jours avant son départ. Par l’intermédiaire de son interprète, Abdu’l-Bahá salua aimablement l’assistance et donna une courte et émouvante allocution, insistant sur les bénédictions d’une telle assemblée réunie dans un esprit d’unité et d’aspiration spirituelle. Il conclut par une fervente prière récitée d’une voix grave dans sa propre langue, et par une bénédiction qui toucha véritablement tous ceux présents.
Le jour suivant Abdu’l-Bahá fit transmettre au centre un message dans lequel il exprimait son entière appréciation de toute l’amabilité déployée à l’égard des Bahá’ís et qui se terminait par ces mots: « Peu importe le nom que chacun se donne, le grand travail est unique. Le Christ est pour toujours dans le monde de l’existence. Il n’a jamais disparu... Soyez assurés que le Christ est présent. La beauté spirituelle que nous voyons autour de nous aujourd’hui émane du souffle du Christ. »
1.11. UN MESSAGE DE ABDU’L-BAHA POUR THE CHRISTIAN COMMONWEALTH
Publié le 29 septembre 1911
Dieu envoie des Prophètes pour l’éducation des hommes et le progrès de l’humanité. Chacune de ces Manifestations de Dieu a élevé l’humanité. Elles servent le monde entier par la bonté de Dieu. La preuve certaine qu’elles sont des Manifestations de Dieu réside dans le progrès et l’éducation des hommes. Les juifs étaient au plus bas degré de l’ignorance et captifs du Pharaon quand Moïse apparut et les éleva à un haut degré de civilisation. Ainsi vint le règne de Salomon, et l’humanité connut les sciences et les arts. Les philosophes grecs eux-mêmes étudièrent l’enseignement de Salomon. Il fut donc prouvé que Moïse était un Prophète.
Avec le temps les Israélites dépérirent, et devinrent les sujets des Romains et des Grecs. Alors la brillante étoile de Jésus s’éleva à l’horizon sur les Israélites, illuminant le monde, jusqu’à ce que la beauté de l’unité soit enseignée à toutes les sectes, croyances et nations. Il ne peut y avoir de meilleure preuve que Jésus fut le Verbe de Dieu.
Il en fut de même pour les nations arabes qui, n’étant pas civilisées, subissaient l’oppression des gouvernements perses et grecs. Quand la lumière de Muhammad brilla, toute l’Arabie fut illuminée. Ces peuples opprimés et avilis devinrent éclairés et cultivés, à tel point en effet que les autres nations s’imprégnèrent de la civilisation des Arabes. Ce fut la preuve de la mission divine de Muhammad.
Tout l’enseignement des Prophètes est un, une seule foi, une seule lumière divine brillant à travers le monde. Maintenant, sous la bannière de l’unicité de l’humanité tous les peuples de toutes les croyances devraient se détourner des préjugés, devenir amis et croire en tous les Prophètes. Tout comme les chrétiens croient en Moïse, les juifs devraient croire en Jésus. Tout comme les musulmans croient dans le Christ et en Moïse, de même les juifs et les chrétiens devraient croire en Muhammad. Alors tous les conflits disparaîtraient, et tous seraient unis. Bahá’u’lláh est venu dans ce dessein. Il a fait de trois religions une seule. Il a levé au centre du monde l’étendard de l’unicité de la foi et de l’honneur de l’humanité. Aujourd’hui nous devons nous rassembler autour de cet étendard, et essayer de tout notre coeur et de toute notre âme d’établir l’unité du genre humain.
1.12. DISCOURS DONNÉ A LA FÊTE DE L’UNITÉ CHEZ Mlle E.J. ROSENBERG
Vendredi 8 septembre 1911
[nota : E.J. Rosenberg fut la seconde femme des Iles Britanniques à déclarer sa foi en Bahá’u’lláh (O.Z. Whitehead, op. cit.)]
Louange soit à Dieu, qu’une réunion empreinte de tant pureté et de fermeté soit tenue à Londres. Les coeurs de ceux qui sont présents sont purs et sont tournés vers le Royaume de Dieu. J’espère que tout ce qui est contenu et établi dans les livres saints de Dieu se réalise en vous. Les Messagers de Dieu sont les principaux et les premiers éducateurs. A chaque fois que ce monde deviendra obscur, divisé dans ses opinions, et indifférent, Dieu enverra l’un de Ses saints Messagers.
Moïse vint dans un temps d’obscurité, quand l’ignorance et l’infantilisme régnaient parmi les hommes et que leur foi chancelait. Moïse fut un éducateur divin. Il donna des enseignements de sainteté et éduqua les Israélites. Il sortit le peuple de son avilissement et lui fit recevoir de grands honneurs. Il leur enseigna les sciences et les arts, Il les conduisit à la civilisation et Il développa leurs vertus humaines. Quelque temps après, alors qu’ils avaient oublié ce qu’ils avaient ainsi reçu de Dieu, la voie était prête pour le retour du mal et le monde fut opprimé par la tyrannie.
Alors la lumière de réalité se répandit à nouveau et le souffle du Saint-Esprit réapparut. Une nuée de bonté se déversa et la lumière de direction brilla sur la terre. Le monde revêtit un nouvel habit, le peuple devint un nouveau peuple, l’unicité de l’humanité fut proclamée. La grande unité de pensée transforma l’humanité et créa un monde nouveau. Puis, tout fut encore oublié par les hommes. Les enseignements de Dieu n’influençaient plus leur vie. Ses prophéties et ses commandements perdirent de leur force et s’effacèrent de leur coeur, la tyrannie et l’irréflexion prévalurent une fois de plus.
C’est alors que vint Bahá’u’lláh pour renouveler une fois de plus le fondement de la foi. Il rappela les enseignements de Dieu et comment ils étaient mis en pratique au temps du Christ. Il désaltéra les assoiffés, Il réveilla les négligents et attira l’attention des insouciants sur les secrets divins. Il déclara l’unité de l’humanité, et répandit de tous côtés son enseignement sur l’égalité des hommes.
Voilà pourquoi, vous tous devriez de tout votre coeur et avec tout votre esprit vous comporter de manière à conquérir les hommes avec amabilité, afin que cette grande unité s’établisse, que les superstitions infantiles disparaissent et que tous deviennent un.
1.13. DISCOURS CHEZ MADAME THORNBURGH-CROPPER
Mercredi 13 septembre 1911
[nota : madame Thornburgh-Cropper fut la première Bahá’íe des Iles Britanniques, Thomas Breakwell étant le premier britannique (résidant à l’époque à Paris) à s’être déclaré Bahá’í (O.Z. Whitehead, op. cit.)]
Abdu’l-Bahá dit:
Grâce soit rendue à Dieu, c’est une bonne réunion; elle est très illuminée; elle est spirituelle. Un poète persan a écrit:
« L’univers céleste est ainsi formé que le monde inférieur réfléchit le monde supérieur ».
Cela revient à dire que ce monde phénoménal réfléchit tout ce qui existe au paradis. Maintenant, louange soit à Dieu, cette réunion est un reflet du concours céleste, c’est comme si nous avions pris un miroir pour nous y regarder. Ce reflet du concours céleste, c’est l’amour.
Parce que l’amour céleste existe dans le concours suprême, il se reflète ici. Le concours suprême est plein de désir envers Dieu, rendons grâce à Dieu, ce désir est aussi présent ici.
Voilà pourquoi, si nous disons que cette réunion est céleste, c’est vrai. Pourquoi? Parce que nous n’avons nul autre désir que celui qui vient de Dieu. Nous n’avons nul autre but que la mention de Dieu.
Des hommes sur terre rêvent de conquêtes; certains aspirent au repos et à l’aisance; d’autres désirent une haute position; d’autres encore souhaitent devenir célèbres. Grâce à Dieu, notre désir est la spiritualité et l’union avec Dieu.
Maintenant que nous sommes rassemblés ici, notre souhait est de hisser la bannière de l’unité de Dieu, de répandre la lumière de Dieu, de faire en sorte que le coeur des hommes se tourne vers le Royaume. En conséquence, je rends grâce Dieu de nous confier cette mission importante.
Je prie pour vous tous, que vous deveniez des guerriers célestes, que vous répandiez partout l’unité de Dieu et illuminiez l’Est et l’Ouest, et que vous communiquiez à tous les coeurs l’amour de Dieu. C’est mon plus cher désir, et je prie Dieu que votre désir soit identique.
Je suis très heureux d’être avec vous. J’apprécie votre Roi d’Angleterre, votre gouvernement et votre peuple.
Puissiez-vous rendre grâce à Dieu d’êtres libres dans cette contrée. Vous ne savez pas combien la liberté manque à l’Est. Quiconque vient dans ce pays y est heureux.
Je souhaite pour tous la protection de Dieu. Au revoir à tous.
1.14. DISCOURS À LA FÊTE DE L’UNITÉ CHEZ Mlle JACK ET HERRICK
Vendredi 22 septembre 1911
C’est un jour froid et triste mais comme j’avais envie de vous voir je suis venu. Pour un homme qui a de l’amour, l’effort est un repos. Il parcourra n’importe quelle distance pour rendre visite à ses amis.
Rendons grâce à Dieu car je vous vois spirituels et reposés; je vous transmets ce message de Dieu: « Tournez-vous vers Lui ». Louange à Dieu: « Soyez près de Lui! » Les choses sans valeur de ce monde ne vous ont pas détournés de la recherche du monde de l’Esprit. Quand vous êtes en harmonie avec le monde de l’Esprit, vous ne portez pas attention aux choses qui périssent; votre désir est pour ce qui ne meurt jamais et le Royaume s’ouvre devant vous. J’espère que l’enseignement de Dieu se répandra à travers le monde, et fera que tous soient unis.
Au temps de Jésus-Christ, il y eut d’Est en Ouest un déversement de lumière qui rassembla les hommes sous la bannière céleste et les illumina de la pénétration divine. Les contrées de l’Ouest ont été éclairées par la lumière du Christ. Je prie vivement qu’en cet âge avancé la lumière illumine à ce point le monde que tous se rassemblent sous la bannière de l’unité et reçoivent une éducation spirituelle.
Alors ces problèmes qui sont la cause de différends parmi les peuples de la terre disparaîtront, car en vérité ils n’ont pas lieu d’être. Vous êtes tous les vagues d’une même mer, les miroirs d’une même source lumineuse.
En ces jours, les pays d’Europe sont en paix; l’éducation s’est largement répandue. La lumière de la liberté est la lumière de l’Ouest, et l’intention des gouvernements est de travailler pour la vérité et la justice dans les pays occidentaux. Mais la lumière de la spiritualité commence toujours par briller à l’Est. En cet âge, cette lumière s’est estompée; la religion est devenue une question de forme et de cérémonie et l’aspiration à l’amour de Dieu s’est perdue.
En ce temps de grande obscurité spirituelle, une lumière est apparue à l’Est. Ainsi, une fois de plus la lumière des enseignements de Dieu est venue à vous. De la même façon que l’éducation et le progrès se répandent d’Ouest en Est, le feu spirituel se propage d’Est en Ouest.
J’espère que les peuples de l’Ouest seront éclairés par la lumière de Dieu, que le Royaume viendra à eux, qu’ils trouveront la vie éternelle, que l’Esprit de Dieu se propagera tel un feu parmi eux, qu’ils seront baptisés de l’eau de la Vie et qu’ils trouveront une nouvelle naissance.
Tel est mon désir; j’espère que par sa volonté Dieu vous l’accordera et vous rendra heureux.
De la même manière que vous bénéficiez de l’éducation et du progrès matériel, puisse la lumière de Dieu vous être donnée.
Que Dieu vous garde tous en sécurité.
2. NOTES DE CONVERSATIONS
2.1. L’ARRIVÉE A LONDRES
Lundi 4 septembre 1911
Le soir de son arrivée à Londres, le lundi 4 septembre 1911, Abdu’l-Bahá déclara: « Le ciel a béni ce jour. Il était dit que Londres serait un lieu de grande proclamation pour la Foi. J’étais fatigué quand je suis monté à bord du bateau à vapeur, mais quand j’arrivai à Londres et que je contemplai les visages des amis, la fatigue me quitta. Votre grand amour me rafraîchit. Je suis très heureux avec les amis anglais.
Le sentiment qui existait entre l’Est et l’Ouest est en train de changer à la lumière de l’enseignement de Bahá’u’lláh. Il était de coutume lorsqu’un occidental buvait dans la coupe d’un oriental que la coupe soit considérée comme souillée et soit brisée. Maintenant quand un Bahá’í occidental dîne avec un Bahá’í oriental les couverts et les assiettes utilisés sont conservés et révérés en sa mémoire ».
Abdu’l-Bahá donna cet exemple historique d’amour fraternel merveilleux:
« Un jour des soldats vinrent dans la maison d’un Bahá’í et munis d’un mandat d’arrêt exigèrent que l’un des invités soit livré pour être exécuté. L’hôte prit la place de son invité et mourut. »
2.2. LONDRES
L’attraction de votre amour m’a conduit jusqu’à ce pays. Mon espoir est que la lumière divine puisse briller ici, et que l’Etoile céleste de Bahá’u’lláh puisse vous fortifier, afin que vous soyez la cause de l’unicité de l’humanité, que vous aidiez à faire disparaître l’obscurité créée par la superstition et les préjugés et que vous unissiez toutes les croyances et toutes les nations.
C’est un siècle éclatant. Les yeux sont maintenant ouverts à la beauté de l’unicité de l’humanité, de l’amour et de la fraternité. L’obscurité de la répression disparaîtra et la lumière de l’unité brillera. Nous ne pouvons apporter l’amour et l’unité simplement en parlant. La connaissance n’est pas suffisante. La richesse, la science, l’éducation sont de bonnes choses, nous le savons: mais nous devons aussi travailler et étudier pour porter à maturité le fruit de la connaissance.
La connaissance est le premier pas; la décision le second pas; l’action, c’est-à-dire l’accomplissement, est le troisième pas. Pour construire un bâtiment on doit avant toute chose dresser un plan, ensuite on doit avoir les moyens (l’argent) et enfin on peut construire. Qu’une association pour l’unité se forme c’est bien, mais les réunions et les discussions ne sont pas suffisantes. En Egypte ces réunions ont lieu mais il n’y a que des paroles et point de résultat. Ces réunions à Londres sont bonnes, la connaissance et l’intention sont bonnes, mais comment peut-il y avoir un résultat sans action? Aujourd’hui, la force qui conduit à l’unité est l’esprit saint de Bahá’u’lláh. Il manifesta cet esprit d’unité. Bahá’u’lláh permet de rassembler l’Est et l’Ouest. Revenez en arrière, recherchez dans l’histoire, vous ne trouverez point de précédent.
2.3. LES DIFFÉRENDS
Dieu a créé le monde d’un seul tenant, les frontières ont été tracées par l’homme. Dieu n’a pas divisé la terre, mais chaque homme possède sa maison et sa prairie; les chevaux et les chiens ne divisent pas les champs en plusieurs parties. C’est pour cela que Bahá’u’lláh dit: « Que l’homme ne se fasse pas gloire d’aimer son pays, mais qu’il se glorifie plutôt d’aimer ses semblables ». [voir : 6ème Ishraq, Tablette des Splendeurs (Ishraqat), (Tablettes de Bahá’u’lláh, MEB, Bruxelles, 1994)]
Tous sont d’une seule famille, d’une seule race; tous sont des êtres humains. Les différends concernant le partage de la terre ne devraient pas être cause de division parmi les hommes.
Une des grandes raisons de division est la couleur. Regardez comme ce préjugé est puissant en Amérique, par exemple. Voyez comme ils se haïssent! Les animaux ne se querellent pas à cause de leur couleur! Il est sûr que l’homme qui a un rang tellement plus élevé dans la création, ne devrait pas s’abaisser en dessous des animaux. Pensez à ceci. Quelle ignorance! Les colombes blanches ne se querellent pas avec les colombes bleues à cause de leur couleur, mais les hommes blancs se battent contre les hommes de couleur. Ce préjugé racial est le pire de tous.
L’Ancien Testament dit que Dieu a créé l’homme à Son image; dans le Coran il est dit: « Il n’y a aucune différence dans la création de Dieu! ».
Pensez bien, Dieu les a tous créés; Il prend soin de tous, et tous sont sous sa protection. La politique de Dieu est meilleure que la nôtre. Nous ne sommes pas aussi sages que Dieu!
2.4. LA RELIGION
Pour la plupart des hommes qui n’ont pas entendu le message de cet enseignement la religion apparaît comme une forme extérieure, un semblant, un simple sceau de respectabilité. Certains prêtres exercent ce saint ministère uniquement pour gagner leur vie. Ils ne croient pas eux-mêmes dans la religion qu’ils font semblant d’enseigner. Est-ce que ces hommes donneraient leur vie pour leur foi? Demandez à un tel chrétien de renier le Christ dans le but de sauver sa vie et il le fera.
Demandez à un Bahá’í de renier n’importe lequel des grands Prophètes, de renier sa foi ou de renier Moïse, Muhammad ou le Christ, et il répondra « plutôt mourir ». Ainsi un Bahá’í d’origine musulmane est un meilleur chrétien que bon nombre de soi-disant chrétiens.
Un Bahá’í ne renie aucune religion; il accepte la vérité dans chacune, et mourrait pour la défendre. Il aime tous les hommes comme ses frères, quelles que soient leur classe, race, nationalité, croyance ou couleur, qu’ils soient bons ou mauvais, riches ou pauvres, beaux ou laids. Il ne commet aucune violence; s’il est frappé, il ne rend pas le coup. Il ne parle pas en mal, suivant l’exemple du Seigneur Bahá’u’lláh. Pour se garder de toute intempérance il ne boit ni vin ni spiritueux. Bahá’u’lláh a dit que ce n’est pas bon pour un homme sain de prendre ce qui détruira sa santé et son jugement.
La religion de Dieu a deux aspects dans ce monde. L’aspect spirituel (le réel) et l’aspect formel (l’apparent). Le côté formel change de même que l’homme change d’âge en âge. Le côté spirituel qui est la vérité, ne change jamais. Les Prophètes et les Manifestations de Dieu apportent toujours le même enseignement; au début les hommes s’accrochent à la vérité mais après un certain temps ils la défigurent. La vérité est dénaturée par les formes extérieures conçues par l’homme et les lois matérielles. Le voile de la matière et de l’attachement aux biens de ce monde cache la réalité de la vérité.
Bahá’u’lláh délivre le même Message aux hommes que celui apporté par Moïse et Jésus.
A chaque fois que Dieu nous envoie une grande Manifestation, il nous est donné une nouvelle vie, mais la vérité que chaque Manifestation apporte est la même. La vérité ne change jamais, mais c’est la vision de l’homme qui change. Elle est ternie et rendue confuse par la complexité des formes extérieures.
La vérité est facile à comprendre bien que les formes extérieures à travers lesquelles elle est exprimée désorientent l’intelligence. Au fur et à mesure que les hommes grandissent ils découvrent la futilité des formes qu’ils ont inventées et ils les méprisent. Ainsi beaucoup quittent les églises, parce que souvent ces dernières mettent uniquement l’accent sur la forme extérieure.
2.5. DISCOURS A UNE ASSEMBLÉE DE THÉOSOPHES
Londres, septembre 1911
Ces jours sont merveilleux! Nous voyons un invité oriental reçu avec amour et courtoisie en Occident. J’ai été attiré ici, malgré la fatigue, par le magnétisme de votre amour et de votre sympathie.
Quelques années plus tôt, un Ambassadeur avait été envoyé de Perse à Londres où il resta cinq ans. (Il s’appelait ‘Abdu’l Hasan Khan). Quand il revint en Perse on lui demanda de raconter comment étaient les Anglais. Il répondit: « Je ne connais pas les Anglais, je n’ai rencontré que des gens de la Cour pendant les années où j’étais à Londres ». Cet homme était un grand homme en Perse, et il fut envoyé par les princes en Angleterre et cependant il ne connaissait pas les Anglais, bien qu’il ait vécu parmi eux pendant cinq ans. Aujourd’hui, moi qui fus longtemps prisonnier, je viens en Angleterre pour la première fois, et bien que ma visite soit si courte, j’ai déjà rencontré beaucoup d’amis bien chers, et je peux dire que je connais ces gens. Ceux que j’ai rencontrés sont vraiment des âmes travaillant pour la paix et l’unité. Pensez à la différence qu’il y a entre l’époque dans laquelle nous vivons maintenant, et celle d’il y a soixante-dix ans! Pensez au progrès! Le progrès vers l’unité et la paix.
C’est la volonté de Dieu que les différends entre les nations disparaissent. Ceux qui aident la cause de l’unité sont en train de faire le travail de Dieu. L’unité est le bienfait de Dieu pour ce siècle lumineux. Louange soit à Dieu, il y a aujourd’hui beaucoup d’associations et de réunions en faveur de l’unité. L’inimitié n’est plus autant cause de séparation que ce qu’elle était; maintenant la cause de la désunion est principalement le préjugé. Par exemple, jadis quand les Européens visitaient l’Orient, ils étaient considérés comme impurs et étaient haïs. Maintenant c’est différent: quand des gens de l’Ouest rendent visite à ceux qui à l’Est sont des disciples de la nouvelle lumière [nota :les croyants en Bahá’u’lláh, c’est-à-dire les Bahá’ís], ils sont reçus avec amour et courtoisie.
« Le véritable Bahá’í », déclara Abdu’l-Bahá qui tenait un petit enfant contre lui, « aime les enfants car Jésus a dit qu’ils sont du Royaume des cieux. Un coeur simple et pur est proche de Dieu; un enfant n’a aucune ambition matérielle ».
2.6. LES PRÉJUGES
Le Congrès Universel sur les Races fut une bonne chose, car il avait pour objectif la promotion et le progrès de l’unité parmi les nations et une meilleure compréhension internationale. L’objectif était bon. Les causes de conflits entre différentes nations sont toujours dues à l’une des catégories suivantes de préjugés: raciaux, linguistiques, théologiques, personnels, et des préjugés de coutume et de tradition. Cela requiert une force active universelle pour surmonter ces différences. Une petite maladie nécessite un petit remède, mais une maladie qui pénètre entièrement le corps nécessite un remède très fort. Une petite lampe peut éclairer une chambre, une plus grande pourrait éclairer une maison, une plus grande encore pourrait briller sur toute une ville, mais il faut le soleil pour éclairer le monde entier.
Les différences de langues sont cause de désunion entre les nations. Il faut une langue universelle. La diversité de croyances est aussi une cause de division. Le véritable fondement de toutes les croyances doit être établi, les différences externes abolies. Il faut une unicité de foi. Mettre un terme à toutes ces différences est une tâche très dure. Le monde entier est malade, et nécessite le pouvoir du grand Guérisseur.
Ces réunions nous enseignent que l’unité est bonne et que la répression (l’esclavage sous le joug de la tradition et du préjugé) est une cause de désunion. Savoir cela n’est pas suffisant. Toutes les connaissances sont bonnes, mais elles ne peuvent porter de fruits sans action. Il est bien de savoir que les richesses sont bonnes, mais cette connaissance ne rendra pas l’homme riche; il doit travailler, il doit mettre son savoir en pratique. Nous espérons que les hommes ont appris et compris que l’unité est bonne, et nous espérons aussi qu’ils ne se contenteront pas de le savoir. Ne dites pas seulement que l’unité, l’amour et la fraternité sont bons; vous devez travailler à leur réalisation.
Le Tsar de Russie suggéra d’organiser la Conférence sur la Paix de la Haye et proposa de réduire l’armement de toutes les nations. A cette Conférence il fut prouvé que la Paix était bénéfique pour tous les pays, et que la guerre détruisait le commerce, etc. Les propos du Tsar étaient admirables; pourtant, après la Conférence, il fut le premier à déclarer la guerre (contre le Japon).
[nota :le Secrétaire d’État russe Bezobrazoff refusera d’exécuter l’accord russo-japonais de 1902 prévoyant l’évacuation de la Mandchourie par les Russes et de la Corée du Nord par les japonais. La guerre russo-japonaise commencera réellement en février 1904 par une attaque surprise des Japonais sur Port-Arthur. Grâce à la médiation américaine menée par le Président Théodore Roosevelt, la Russie cédera, par le traité de Portsmouth d’août 1905, Port-Arthur et partie de Sakhaline. Cette victoire des Asiatiques sur les Européens marquera le début de la fin de la suprématie blanche en Asie (Chapitre sur les grands pays, section sur l’URSS, Quid, Editions Robert Laffont et Sté des Encyclopédies Quid, Paris,1984)]
[nota : la conférence de la Paix à la Haye fut la première dotée d’un arbitrage international. Elle fut ouverte en mai 1899. Vingt-six Etats furent représentés à cette conférence de la Paix, mais les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances entretenues dans l’opinion publique européenne. La proposition russe de porter un coup d’arrêt à l’armement fut rejeté comme "irréaliste et idéaliste"; on se contentera de recommander une limitation de l’armement, sans aucun caractère d’obligation. La délégation allemande s’opposera à toute atteinte à la souveraineté absolue des nations et seule la pression de la Russie et de l’Angleterre permettront la création d’une Cour internationale d’arbitrage. Les participants se mettront d’accord cependant pour "humaniser la guerre" et s’accorderont sur les droits des combattants et des prisonniers de guerre, ainsi que sur une codification des armes employées (Serge Cosseron et Philippe Faverjon, L’Europe de 1815 à nos jours, La Manufacture, Besançon, 1991)]
La connaissance n’est pas suffisante; par amour de Dieu nous espérons la mettre en pratique. Une force spirituelle universelle est nécessaire pour cela. Les réunions sont bonnes pour engendrer une force spirituelle. Il est bon de savoir qu’il est possible d’atteindre un état de perfection; mais marcher de l’avant sur ce sentier est mieux. Nous savons qu’il est bon d’aider les pauvres et d’être miséricordieux et que cela plaît à Dieu, mais la connaissance en elle-même ne nourrit pas l’homme affamé, et le pauvre ne peut être réchauffé par la connaissance ou les belles paroles lors d’un hiver rigoureux; nous devons apporter une aide concrète empreinte de tendre bonté.
Et que dire du Congrès sur la Paix?
« Cela ressemble à un groupe d’ivrognes rassemblés pour protester contre la consommation d’alcool. Ils disent que boire est horrible et ils quittent la salle sur le champ pour aller boire de nouveau. »
2.7. LA THÉOSOPHIE
Quand on demanda à Abdu’l-Bahá s’il reconnaissait le bien que la société théosophique avait fait, il répondit:
« Je le reconnais; j’en pense beaucoup de bien. Je sais que leur désir est de servir l’humanité. J’ai remercié cette noble association au nom de tous les Bahá’ís et personnellement. J’espère que par l’aide de Dieu ces amis réussiront à apporter l’amour et l’unité. C’est un grand travail et cela nécessite l’effort de tous les serviteurs de Dieu. »
2.8. LA PAIX
« Durant les six mille dernières années, les nations se sont haïes, il est maintenant temps d’y mettre fin. La guerre doit cesser. Soyons unis, aimons-nous les uns les autres et attendons le résultat. Nous savons que les effets de la guerre sont mauvais. Essayons donc la paix, en guise d’expérience, et si les résultats de la paix sont mauvais, alors nous pourrons toujours voir s’il est préférable de revenir au vieil état de guerre! Faisons-en de toute façon l’expérience. Si nous voyons que l’unité apporte la lumière, nous continuerons. Pendant six mille ans nous avons marché à gauche du sentier; essayons de marcher à droite maintenant. Nous avons vécu de nombreux siècles dans l’obscurité, avançons vers la lumière. »
Question - (on fit remarquer que la théosophie enseigne que la vérité est la même dans toutes les religions) Est-ce que la tâche consistant à unifier toutes les religions recueille la sympathie de Abdu’l-Bahá?
Réponse – « Certainement. »
Question - Abdu’l-Bahá peut-il suggérer les grandes lignes qu’il serait bon de suivre?
Réponse – « La recherche de la vérité. Chercher les réalités dans toutes les religions. Mettre de côté toutes les superstitions. Beaucoup d’entre nous ne comprennent pas la réalité de toutes les religions. »
2.9. LES MANIFESTATIONS DIVINES
Question - Quel est l’enseignement de Abdu’l-Bahá concernant les différentes Manifestations divines?
Réponse – « La réalité de toutes est unique. La vérité est une. Les religions sont comme les branches d’un seul arbre. Une branche est haute, une autre est basse et une encore est au centre, cependant toutes tirent leur vie de la même souche. Une branche porte abondamment des fruits et d’autres sont moins chargées. Tous les Prophètes sont des lumières, ils diffèrent seulement en degré; ils brillent comme des corps célestes étincelants, chacun a son lieu déterminé et son temps d’ascension. Certains sont comme des lampes, d’autres comme la lune, d’autres encore comme des étoiles éloignées, et quelques-uns sont comme le soleil, brillant d’une extrémité à l’autre de la terre. Tous ont la même lumière à transmettre, cependant ils sont différents en degré. »
2.10. LE BOUDDHISME
Quelques personnes firent référence à l’enseignement de Bouddha. Abdu’l-Bahá dit:
Le véritable enseignement de Bouddha est le même que l’enseignement de Jésus-Christ. Les enseignements de tous les Prophètes sont identiques dans leur essence. De nos jours, les hommes ont altéré l’enseignement. Si vous regardez la pratique actuelle de la religion bouddhiste, vous verrez qu’il reste très peu de sa vérité d’origine. Beaucoup adorent des idoles bien que leur enseignement l’interdise.
Bouddha avait des disciples, et il désirait les envoyer à travers le monde pour enseigner, donc leur posa-t-il des questions pour voir s’ils étaient préparés pour tout ce qu’il attendait d’eux. « Quand vous irez à l’Est et à l’Ouest et que les gens vous fermeront leur porte et refuseront de parler avec vous, que ferez-vous? » demanda Bouddha. Les disciples répondirent: « Nous serons très reconnaissants qu’ils ne nous fassent pas de mal ». « Et s’ils vous font du mal et se moquent de vous, que ferez-vous? » - « Nous serons très reconnaissants qu’ils ne nous infligent pas un traitement pire encore ». – « S’ils vous jettent en prison? » - « Nous serons reconnaissants qu’ils ne nous tuent pas ». – « Et s’ils en venaient à vous tuer? » demanda le maître pour la dernière fois. « Nous serons encore reconnaissants car ils auront fait de nous des martyrs. Quel destin plus glorieux y a-t-il que de mourir pour la gloire de Dieu? » répondirent les disciples. Et Bouddha dit: « C’est bien! ».
L’enseignement de Bouddha était comme un jeune et bel enfant, et maintenant il est devenu comme un homme vieux et décrépit. Comme le vieil homme il ne peut pas voir, il ne peut pas entendre, il ne peut pas se souvenir. Pourquoi revenir si loin en arrière? Considérez les lois de l’Ancien Testament: les juifs ne suivent pas l’exemple de Moïse et n’observent pas ses commandements. Ainsi en est-il pour beaucoup d’autres religions.
Comment pouvons-nous avoir la capacité de suivre le droit chemin?
« C’est en mettant l’enseignement en pratique que ce pouvoir nous sera donné. Vous connaissez le chemin à suivre: vous ne pouvez pas vous tromper, car il y a une grande différence entre Dieu et le mal, entre la lumière et l’obscurité, la vérité et l’erreur, l’amour et la haine, la générosité et l’avarice, l’éducation et l’ignorance, la foi en Dieu et la superstition, les lois bonnes et les lois injustes. »
2.11. LA FOI
Comment peut-on développer sa foi ?
« Vous devez faire des efforts. Un enfant ne sait rien, c’est en apprenant qu’il acquiert la connaissance. Recherchez la vérité.
Il y a trois catégories de foi. Premièrement, celle qui découle de la tradition et de la naissance. Par exemple: un enfant né de parents musulmans est un musulman. Cette foi traditionnelle est faible. Deuxièmement, celle qui découle de la connaissance, c’est-à-dire la foi de la compréhension. C’est une bonne foi, mais il y en a une meilleure, la foi de la pratique: c’est la vraie foi.
Nous entendons parler d’une invention, nous pensons qu’elle est bonne et nous venons pour la voir. Nous entendons parler de richesse, nous la voyons; nous travaillons durement pour l’acquérir, cela nous rend riches et ainsi nous aidons les autres. Nous connaissons la lumière, nous la voyons, nous nous en approchons, elle nous réchauffe, et nous en réfléchissons les rayons sur les autres; c’est la vraie foi, et ainsi nous recevons le pouvoir de devenir les enfants éternels de Dieu. »
2.12. LA GUÉRISON
Abdu’l-Bahá dit:
« La maladie est de deux sortes: physique ou spirituelle. Prenez par exemple une coupure à la main; si vous priez pour que la main soit guérie sans juguler le saignement, vous ne ferez pas grand-chose de bon; un remède matériel est nécessaire.
Quelquefois quand le système nerveux est paralysé par la peur, un remède spirituel est nécessaire. La folie, incurable par d’autres moyens, peut être soignée grâce à la prière. Il arrive souvent que le chagrin rende quelqu’un malade, il peut alors être soigné par des moyens spirituels. »
2.13. LES OEUVRES PHILANTHROPIQUES
Quelqu’un demanda si la « Humanitarian Society » était une bonne chose :
« Oui, toutes les associations, toutes les organisations, travaillant pour l’amélioration de la condition humaine sont bonnes, très bonnes. Tous ceux qui travaillent pour leurs frères et soeurs ont la bénédiction de Bahá’u’lláh. Ils réussiront certainement. »
Abdu’l-Bahá dit: « Cela me rend heureux de voir tous les croyants de Londres. Vous venez tous de races et de croyances différentes, et vous voici membres d’une seule famille. L’enseignement de Bahá’u’lláh vous enjoint à être fraternels les uns envers les autres. »
2.14. CONNAISSANCE DE DIEU ET DES MONDES DE L’AU-DELÀ PAR L’HOMME
« L’Essence de Dieu est incompréhensible pour l’homme, il en est de même des mondes de l’au-delà et de leur condition. Il est donné à l’homme d’acquérir la connaissance, d’atteindre à une grande perfection spirituelle, de découvrir les vérités cachées, et même de manifester les attributs de Dieu; mais pourtant l’homme ne peut pas comprendre l’Essence de Dieu. Quand le cercle toujours grandissant de la connaissance humaine rencontre le monde spirituel, une Manifestation de Dieu est envoyée pour réfléchir sa Splendeur. »
2.15. LES MANIFESTATIONS DIVINES
La Manifestation divine est-elle Dieu?
« Oui, et cependant pas en essence. Une Manifestation divine est comme un miroir réfléchissant la lumière du soleil. La lumière est la même et pourtant le miroir n’est pas le soleil. Toutes les Manifestations de Dieu apportent la même lumière; elles diffèrent seulement en degré, mais pas dans leur réalité intrinsèque. La vérité est une. La lumière est la même quoique les lampes soient différentes; nous devons regarder la lumière, pas la lampe. Si nous acceptons la lumière d’une lampe, nous devons accepter la lumière de toutes les lampes; toutes s’accordent, parce qu’elles sont toutes la même lumière. L’enseignement est toujours le même, ce sont seulement les formes extérieures qui changent.
Les Manifestations de Dieu sont comme des corps célestes. Toutes ont leur lieu déterminé et leur temps d’ascension, mais la lumière qu’elles donnent est la même. Si quelqu’un souhaite chercher le soleil levant, il ne regarde pas toujours vers le même point parce que ce point change avec les saisons. Quand quelqu’un voit le soleil monter plus loin vers le nord il le reconnaît, quoiqu’il se soit levé en un point différent. »
2.16. NOTES D’UNE CONVERSATION AVEC ABDU’L-BAHÁ
Un homme de couleur, originaire d’Afrique du Sud, qui rendait visite à Abdu’l-Bahá disait que même maintenant aucun blanc ne se souciait vraiment des noirs.
Abdu’l-Bahá répondit: « Comparez le temps présent et les sentiments d’aujourd’hui à l’égard des gens de couleur avec ce qu’il en était il y a deux ou trois cent ans, et voyez combien cela est mieux à l’heure actuelle. En peu de temps, les relations entre les gens de couleur et les blancs se développeront davantage, et peu à peu on ne sentira plus de différence entre eux. Il y a des colombes blanches et des pigeons pourpres, mais tous deux appartiennent au genre pigeon.
Une fois Bahá’u’lláh compara les gens de couleur à la pupille noire de l’oeil entourée de blanc. Dans cette pupille noire dit-il, vous voyez le reflet de ce qui se trouve devant elle et à travers elle brille la lumière de l’Esprit.
Aux yeux de Dieu la couleur ne fait aucune différence: Il regarde le coeur des hommes. Ce que Dieu veut des hommes c’est le coeur. Un homme noir avec un bon caractère est de loin supérieur à un homme blanc qui a un moins bon caractère. »
2.17. LES IDEAUX DE L’EST ET DE L’OUEST
L’un des organisateurs du Congrès sur les Races qualifia d’occidentaux les idéaux de Bahá’u’lláh en disant qu’ils se différenciaient de ceux des anciens Prophètes qui étaient empreints d’idées et de civilisation d’Orient. Puis il demanda si Bahá’u’lláh avait fait une étude spéciale des écrits de l’Occident, et avait fondé ses enseignements en accord avec ceux-ci.
Abdu’l-Bahá rit de bon coeur, et dit que les livres de Bahá’u’lláh, écrits et publiés soixante ans auparavant, contenaient les idéaux qui étaient maintenant devenus familiers pour l’Occident, mais qu’à leur époque, ils n’avaient pas été publiés ou pensés en Occident.
Et il poursuivit: « Supposons qu’un penseur occidental d’avant-garde soit venu rendre visite à Bahá’u’lláh pour L’enseigner, serait-il possible que le nom d’un tel grand homme et le fait de sa visite ne soient ni connus ni répertoriés. Non! En des jours anciens, au temps du Bouddha et de Zoroastre, les civilisations d’Asie et de l’Est étaient beaucoup plus développées que celle de l’Ouest et les idées et les pensées des orientaux étaient beaucoup plus avancées, et plus proches des pensées de Dieu que celles des occidentaux. Mais depuis ce temps, les superstitions se sont glissées dans la religion et les idéaux de l’Est, et en raison de nombreuses causes variées, les idéaux et les caractères des orientaux ont décliné de plus en plus pendant que les occidentaux continuaient à lutter sans cesse pour marcher vers la lumière. En conséquence, en ces jours, la civilisation de l’Ouest a beaucoup plus évolué que celle de l’Est, et les idées et pensées des occidentaux sont beaucoup plus proches de la pensée de Dieu que celles des orientaux. C’est ainsi que les idéaux de Bahá’u’lláh ont été plus rapidement réalisés en Occident ».
Abdu’l-Bahá montra de plus comment Bahá’u’lláh avait exactement décrit dans l’un de ses livres ce qui depuis a été mis en place sous la forme d’un Conseil International d’Arbitrage. Abdu’l-Bahá expliqua que certaines de ses fonctions décrites par Bahá’u’lláh n’ont pas encore été réalisées. Il se proposa donc de nous les décrire afin que lorsqu’elles seraient définies, ce qui doit se produire dans un futur proche, nous sachions qu’elles avaient été prophétisées par Bahá’u’lláh.
« La guerre a été la plus grande calamité qui puisse s’abattre sur les nations, car les gens occupés habituellement dans l’agriculture, l’artisanat, le commerce ou dans d’autres métiers manuels, ont été arrachés de leurs diverses occupations et transformés en soldats. Il en résulta de grands gaspillages et de lourdes pertes outre la destruction et le carnage de la guerre.
Bahá’u’lláh a dit que la Cour Internationale serait chargée de régler les conflits qui s’élèveraient de temps en temps entre les nations, de définir les frontières exactes des différents pays, et de décider quel nombre de soldats et quelle quantité d’armes devraient être maintenus par chaque nation en proportion de sa population, dans le but de préserver l’ordre intérieur. Par exemple, un pays pourrait avoir dix mille soldats, un autre vingt mille, un autre quinze mille, et ainsi de suite, en proportion de la grandeur et de la population de chaque nation. De plus, si un peuple se rebellait contre la décision de la Cour et la rejetait, la Cour donnerait aux autres le pouvoir de réunir leurs forces et de faire appliquer sa décision, si nécessaire, par une action conjointe.
Jusqu’à présent, nous n’avons vu se réaliser aucune de ces choses mais nous le verrons dans le futur. »
2.18. LA SCIENCE ET LA FOI
Un homme distingué posa alors une question qu’il considérait de la plus haute importance pour un mouvement religieux aspirant à être universel: quelle position, s’il y en a une, Bahá’u’lláh donnait-il dans ses enseignements aux idées modernes et aux conceptions de la science. Toute la structure de la civilisation moderne est fondée sur les résultats et les connaissances obtenus à la suite de laborieuses et patientes observations de faits recueillis par les hommes de science; dans certains cas après des centaines d’années de recherches approfondies. Afin de rendre plus clair le sens de sa pensée, il donna l’exemple de l’éthique et des enseignements moraux des philosophes chinois: il ne pouvait concevoir rien de mieux. Cependant, ces enseignements avaient très peu d’effet en dehors de la Chine, pour la simple raison, jugea-t-il, qu’ils n’étaient pas fondés dans leurs principes sur les enseignements de la science.
Abdu’l-Bahá répondit qu’une très grande importance était donnée à la science et à la connaissance dans les Ecrits de Bahá’u’lláh où il est précisé qu’un homme qui éduquait les enfants des pauvres qui n’en avaient pas les moyens, était considéré aux yeux de Dieu comme s’il avait éduqué le Fils de Dieu.
Si une religion rejetait la science et la connaissance, cette religion était fausse. La science et la religion devaient aller de pair; elles devaient être en réalité comme les doigts d’une seule main.
Bahá’u’lláh avait donné également une grande importance dans Ses Ecrits à l’Art, et à la pratique de professions qualifiées. Il avait affirmé que la pratique d’un art ou d’un métier dans un véritable esprit de service était identique à l’adoration de Dieu.
Ensuite, un homme distingué concerné par le travail dans une institution demanda quels étaient les meilleurs moyens pour élever et éduquer les plus démunis, ignorants et avilis: est-ce que leur éducation se ferait graduellement par l’illumination de l’Esprit, ou y avait-il des méthodes spéciales qui pourraient être utilisées à cette fin?
Abdu’l-Bahá répondit que la meilleure façon était de leur donner des enseignements spirituels et de les édifier. Il fit remarquer qu’il fallait montrer la plus grande amabilité et le plus grand amour envers les gens au coeur étroit, rempli de préjugés, afin d’élargir leur perspective et de leur faire écouter un enseignement plus tolérant. L’exemple de notre vie portait encore plus que les mots.
2.19. LES RELATIONS AVEC DES PERSONNES DÉCÉDÉES
On posa la question de savoir s’il était possible d’établir une communication avec les morts, et s’il était sage ou recommandable d’assister à des séances de tables tournantes ou de s’engager dans le spiritisme, etc.
Le Maître dit qu’il s’agit de choses matérielles, provenant du corps. Ce qui est nécessaire, c’est de s’élever au-dessus du matériel vers les royaumes du purement spirituel. Les tables tournantes et autres activités du même type sont matérielles avec un résultat physique et non spirituel.
Mais il est possible de communiquer avec les morts à travers la condition du coeur et du caractère.
2.20. LES SUPERSTITIONS SONT-ELLES UTILES?
Une dame voulut savoir si certaines superstitions pouvaient être bonnes pour les gens ignorants, qui, sans elles, n’auraient peut-être aucune conviction.
Abdu’l-Bahá répondit que les superstitions étaient de deux ordres: celles qui étaient nuisibles et dangereuses, et celles qui étaient inoffensives et qui produisaient quelques bons effets.
Par exemple, il y avait de pauvres gens qui croyaient que les malheurs et les châtiments venaient d’un grand ange qui, une épée à la main, frappait ceux qui volaient et commettaient des meurtres ou des délits.
Ils pensaient que les éclairs étaient les armes de cet ange et que les gens qui avaient fait du mal étaient frappés par l’éclair. Cette conviction les freinait dans leurs mauvaises actions.
Les Chinois avaient pour superstition de brûler certains morceaux de papier pour éloigner les démons. Parfois, ils brûlaient ces papiers à bord de bateaux pendant leur voyage, afin d’éloigner les démons, mais en faisant cela ils mettaient le feu aux bateaux et provoquaient la perte de nombreuses vies. C’était un type de superstition dangereuse et nuisible.
2.21. LA VIE APRÈS LA MORT
Madame S. posa quelques questions au sujet des conditions de l’existence dans l’au-delà et de la vie après la mort; elle dit qu’ayant perdu récemment un parent très proche, elle y avait beaucoup réfléchi. Beaucoup pensaient que la réunion avec ceux qu’on avait aimés, et qui étaient passés dans l’autre monde, se ferait au bout d’une longue période. Elle souhaitait savoir si, immédiatement après la mort, on rejoindrait ceux qui étaient partis avant nous.
Abdu’l-Bahá répondit que cela dépendrait des rangs respectifs de ces personnes. Si toutes avaient le même degré de développement, elles seraient réunies immédiatement après la mort. Ensuite cette dame demanda comment cet état de développement pouvait être acquis? Abdu’l-Bahá répondit que c’était par un incessant effort, en s’appliquant à bien faire et à acquérir des qualités spirituelles.
L’intervenante fit remarquer que les opinions différaient concernant les conditions de la vie future. Quelques-uns pensaient que tous auraient exactement les mêmes perfections et vertus, que tous seraient égaux et semblables.
Abdu’l-Bahá dit que, comme dans ce monde, il y aurait une variété et des degrés différents de réalisation.
Une autre question fut posée: « Comment serait-il possible sans corps ni environnement matériels de reconnaître différentes entités et caractères, alors que tous seront dans les mêmes conditions et sur le même plan d’existence? »
Abdu’l-Bahá dit que si plusieurs personnes regardent dans un miroir au même moment, elles peuvent s’y contempler avec leurs caractéristiques et leurs mouvements, quoiqu’elles se regardent toutes dans la glace d’un même miroir. Dans votre esprit vous avez de multiples pensées, mais toutes sont uniques et distinctes. Vous avez peut-être également des centaines d’amis; mais quand vous vous les remémorez-vous ne les confondez pas les uns avec les autres: chacun est unique et distinct, ayant sa propre individualité et ses propres caractéristiques.
Répondant à un autre intervenant, il dit que lorsque deux personnes, un époux et une épouse par exemple, ont été complètement unis dans leur vie, leurs âmes étant comme une seule âme, alors après le décès de l’un d’eux, cette union du coeur et de l’âme demeurera sans faille.
2.22. LA RELATION SPIRITUELLE
Dans la soirée du 28 septembre 1911, Abdu’l-Bahá était en compagnie de nombreux invités.
Il dit que toutes les personnes présentes étaient comme des soeurs. Les relations du corps peuvent cesser; deux soeurs peuvent être inamicales l’une envers l’autre, mais la relation spirituelle est éternelle, et apporte l’amour réciproque et le service mutuel.
« Soyez toujours aimables envers chacun et un refuge pour ceux qui sont sans abri.
Soyez des filles pour ceux qui sont plus âgés que vous.
Soyez des soeurs pour ceux qui ont votre âge.
Soyez des mères pour ceux qui sont plus jeunes que vous.
Soyez des infirmières pour les malades, des trésors pour les pauvres, et donnez la nourriture céleste aux affamés. »
Un docteur persan de Qazvin dit que si l’Est et l’Ouest étaient devenus tellement unis c’était une grande oeuvre de Dieu et que nous devrions toujours rendre grâce à Dieu que la Cause Bahá’íe ait produit une si grande harmonie et une si grande unité entre nous. Le résultat de cette visite de Abdu’l-Bahá à l’Ouest sera très grand.
2.23. UN MARIAGE BAHÁ’Í
Une note bien orientale fut donnée vers la fin de la visite de Abdu’l-Bahá à Londres, avec le mariage d’un jeune couple persan qui avait souhaité sa présence à la cérémonie. La mariée était arrivée de Bagdad accompagnée de son oncle pour rejoindre ici son fiancé et célébrer le mariage avant le départ de Abdu’l-Bahá. Le père et le grand-père de la mariée avaient été des disciples de Bahá’u’lláh à l’époque de son bannissement.
Nous hésitons à modifier la description de la cérémonie faite par le marié et nous la publions donc avec ses propres mots, à la fois simples et beaux. Cela nous permettra de montrer un aspect non encore abordé ailleurs, et sans lequel aucun aperçu sur la venue de Abdu’l-Bahá ne serait complet. Nous voulons parler de l’attitude de déférence que les orientaux venus voir Abdu’l-Bahá témoignèrent à l’égard de leur grand maître. Ils sont invariablement debout la tête inclinée chaque fois qu’il entre dans une pièce.
Voici ce qu’écrit Mirza Dawud. Le matin du dimanche 1er octobre de l’an de grâce 1911, équivalant au 9ème Tishi 5972 (Ere hébraïque), Regina Nur Mahal Khanum et Mirza Yuhanna Dawud furent admis en la sainte présence de Abdu’l-Bahá - puisse ma vie lui être offerte en sacrifice!
Après nous avoir reçus, Abdu’l-Bahá dit: « Vous êtes les bienvenus et cela me rend heureux de vous voir ici à Londres ».
Me regardant, il déclara: « Je n’ai jamais célébré un mariage auparavant, excepté celui de mes propres filles. Mais comme je vous aime beaucoup, et puisque vous avez rendu un grand service au Royaume d’Abhá, à la fois dans ce pays et dans d’autres contrées, je célèbrerai votre cérémonie de mariage aujourd’hui. C’est mon espoir que vous continuiez tous deux dans le sentier béni du service ».
Alors, pour commencer, Abdu’l-Bahá fit venir Nur Mahal Khanum à ses côtés et lui dit: « Aimez-vous Mirza Yuhanna Dawud de tout votre coeur et de toute votre âme? » Elle répondit « Oui, je l’aime ».
Puis Abdu’l-Bahá m’appela près de lui et me posa la même question: « Aimez-vous Nur Mahal Khanum de tout votre coeur et de toute votre âme? » Je répondis « Oui, je l’aime ». Nous retournâmes ensemble à notre place. Abdu’l-Bahá prit la main droite de la mariée et la mit dans celle du marié et nous demanda de prononcer après lui: « Nous faisons tout pour plaire à Dieu ». [nota :il s’agit de la traduction mot à mot du texte anglais rapportée dans l’édition originale, mais l’expression habituelle employée en français est: "En vérité, nous dépendons de la Volonté de Dieu"]
Nous nous assîmes tous et Abdu’l-Bahá continua:
« Le mariage est une sainte institution qui est très encouragé dans cette Cause bénie. Maintenant, vous n’êtes plus deux, mais vous êtes un. Le souhait de Bahá’u’lláh est que tous les hommes soient d’un seul esprit et se considèrent d’un seul grand foyer, afin que l’esprit de l’humanité ne soit pas divisé.
C’est mon souhait et mon espoir que vous soyez bénis durant votre vie. Puisse Dieu vous aider à rendre de grands services au Royaume d’Abhá et puissiez-vous devenir un moyen pour son avancement.
Puisse la joie croître en vous au cours des années, et puissiez-vous devenir des arbres florissants portant de délicieux fruits parfumés qui sont des bénédictions dans le sentier du service. »
Quand nous sortîmes, tous les amis réunis, venus de Perse ou de Londres, nous félicitèrent pour le grand honneur qui nous avait été fait, et nous fûmes invités à dîner par l’aimable hôtesse.
Peu après, nous nous rassemblâmes avec lui autour de la table. Durant le repas l’un des amis demanda à Abdu’l-Bahá s’il appréciait son séjour à Londres, et ce qu’il pensait des Anglais. Je fis office d’interprète. Abdu’l-Bahá répondit:
« J’ai beaucoup apprécié Londres et les visages rayonnants des amis ont réjoui mon coeur. J’ai été attiré ici par leur unité et leur amour. Dans le monde de l’existence il n’y a pas d’attraction plus puissante que l’attraction de l’amour. Ces quelques jours passeront, mais les amis de Dieu se souviendront de leur portée en tout temps et en tout lieu. Il y a des nations vivantes et des nations mortes. La Syrie perdit sa civilisation à cause de son esprit léthargique. La nation anglaise est une nation vivante, et quand en ce printemps spirituel la Vérité divine apparaîtra avec une vitalité renouvelée, les Anglais seront comme des arbres riches en fruits, et le Saint-Esprit les rendra capables de fleurir en abondance. Alors non seulement ils progresseront matériellement mais aussi spirituellement, ce qui est beaucoup plus important et ce qui leur permettra de servir encore davantage l’humanité ».
Quelqu’un demanda pourquoi les enseignements de toutes les religions sont exprimés pour une grande part sous forme de paraboles et de métaphores et non dans un langage clair pour les gens.
Abdu’l-Bahá répondit:
« Les choses divines sont trop profondes pour être exprimées par des mots communs. Les enseignements célestes sont exprimés en paraboles dans le but d’être compris et préservé pour les âges à venir. Quand les esprits spirituels plongent profondément dans l’océan de leur sens ils en font remonter à la surface les perles de leur signification intérieure. Il n’y a pas de plus grand plaisir que d’étudier la Parole de Dieu avec un esprit spirituel.
L’objet de l’enseignement de Dieu à l’homme est que l’homme puisse se connaître dans le but de comprendre la grandeur de Dieu. La Parole de Dieu a pour but l’harmonie et la concorde. Si vous allez en Perse où les amis d’Abhá sont nombreux, vous réaliserez tout de suite la force unifiante de l’oeuvre de Dieu. Ils font de leur mieux pour renforcer ce lien d’amitié. Là-bas, des gens de différentes nationalités se rassemblent lors de réunions et chantent les tablettes divines d’un même coeur. On pourrait supposer qu’ils sont tous frères. Nous ne considérons personne comme un étranger, car Bahá’u’lláh a dit: "Vous êtes tous les rayons d’un seul soleil, les fruits d’un seul arbre, et les feuilles d’une seule branche". Nous désirons la vraie fraternité des hommes. Cela sera, et cela a déjà commencé. Louange soit à Dieu, Celui qui aide, Celui qui pardonne! »
[nota :il est écrit dans la Tablette de Maqsud: "Vous êtes les fruits d’un seul arbre, les feuilles d’une seule branche" (Tablettes de Bahá’u’lláh, p.172, MEB, Bruxelles, 1994)]
2.24. LA VISITE A BRISTOL
[nota : compte-rendu écrit par Thomas Pole]
Abdu’l-Bahá passa la fin de la semaine, du 23 au 25 septembre, à la Pension de famille Clifton à Bristol.
Lors du premier après-midi, pendant le trajet en voiture, il exprima un grand intérêt pour l’Angleterre rurale, s’émerveillant devant les arbres centenaires, et devant la verdure éclatante des bois et des collines, tellement différente de l’Est aride. « Bien que ce soit l’automne, on dirait le printemps » dit-il.
Les maisons avec leurs lopins de terre suggérèrent à Abdu’l-Bahá une citation des Ecrits de Bahá’u’lláh dans laquelle il est mentionné que chaque famille doit avoir sa maison avec un bout de terrain. Abdu’l-Bahá associa la campagne à l’âme et la ville au corps de l’homme et il dit: « Le corps sans l’âme ne peut vivre ». Puis il remarqua: « Il est bon de vivre sous le ciel, au soleil et à l’air frais ». Observant une jeune femme qui montait à cheval, cheveux au vent, et quelques autres qui faisaient de la bicyclette sans être accompagnées, il dit: « C’est l’âge de la femme. Elle devrait recevoir la même éducation que son frère et jouir des mêmes privilèges; car toutes les âmes sont égales devant Dieu. Le sexe, au niveau de ses besoins sur le plan physique, n’a aucun rapport avec l’esprit. En cet âge de réveil spirituel, le monde est entré dans la voie du progrès, dans l’arène du développement, où le pouvoir de l’esprit surpasse celui du corps. Bientôt l’esprit aura emprise sur le monde de l’humanité ».
Dans la soirée un message de salutations fut télégraphié aux Bahá’ís de Téhéran les informant de la présence de Abdu’l-Bahá à Bristol. Il leur envoya son amour et souhaita qu’ils sachent qu’il était bien et heureux avec les amis de Clifton. C’était une réponse à un télégramme précédemment reçu de Téhéran félicitant les gens de la Pension de famille pour la future visite de Abdu’l-Bahá.
Plus tard se tint une réception où nonante personnes vinrent à la rencontre de Abdu’l-Bahá qui leur parla avec une ferveur impressionnante.
Abdu’l-Bahá dit:
« Vous êtes les bienvenus. Je suis venu de loin pour vous voir. Je loue Dieu qu’après quarante années d’attente il me soit enfin permis de venir apporter mon message. Voici une assemblée pleine de spiritualité. Ceux qui sont présents ont tourné leur coeur vers Dieu. Ils cherchent et attendent de bonnes nouvelles. Nous nous sommes rassemblés ici par le pouvoir de l’Esprit, aussi nos coeurs exultent-ils dans une action de grâce. "Envoie-nous Ta lumière et Ta vérité O Dieu, laisse-les nous guider vers les montagnes saintes!" Puissions-nous être rafraîchis par les sources saintes qui renouvellent la vie du monde! Tel le jour qui suit la nuit, et l’aube qui vient après le coucher de soleil, ainsi Jésus-Christ apparut à l’horizon de ce monde comme un Soleil de vérité; et quand une nouvelle fois - après avoir oublié les enseignements du Christ et son exemple d’amour envers toute l’humanité - les hommes furent lassés des choses matérielles, une Etoile céleste brilla à nouveau en Perse, une nouvelle illumination apparut et maintenant une grande lumière se propage à travers toutes les contrées.
Les hommes gardent leurs biens pour leur propre jouissance et ne partagent pas suffisamment avec les autres la bonté reçue de Dieu. Le printemps se change donc en hiver d’égoïsme et d’égotisme. Jésus-Christ dit "Vous devez renaître" [voir : Jean 3.3 et 3.7] afin que la vie divine puisse jaillir à nouveau en vous. Soyez aimables avec tous ceux qui vous entourent et rendez-vous service mutuellement; aimez être justes et honnêtes dans toutes vos affaires; priez constamment et vivez votre vie de telle sorte que le chagrin ne puisse pas vous toucher. Regardez les gens de votre propre race et ceux des autres races comme des membres d’un seul corps; des fils d’un même Père; soyez connus par votre comportement pour être réellement le peuple de Dieu. Ainsi les guerres et les disputes cesseront et dans le monde se répandra la Plus Grande Paix ».
Après que Abdu’l-Bahá se fut retiré, Tamaddun’ul-Mulk et Monsieur W. Tudor Pole donnèrent de courtes allocutions dans lesquelles ils firent référence au martyre des croyants en Perse; une mention spéciale fut accordée à l’éminente poétesse Qurratu’l-’Ayn. [nota : Qurratu’l-’Ayn plus connue sous le nom de Tahirih. Seule femme parmi les 18 premiers apôtres du Bab (1819-50), elle était admirée pour son érudition religieuse, ses explications savantes et sa magnifique poésie. Elle fut la première à se dévoiler en public. Elle ne cessa jamais de proclamer la grandeur du Bab et fut pour cela martyrisée]
Le jour suivant, un dimanche très ensoleillé, Abdu’l-Bahá sortit avec ses amis. Il conduisait le groupe pour une marche dans les collines. Ensuite il rassembla les serviteurs de la maison, parla de la dignité du travail et les remercia pour leur service, donnant à chacun un cadeau en souvenir de cette visite. Il fit le tour de la Pension de famille et la bénit comme centre pour les pèlerins qui viendraient de toutes parts, et dit que ce lieu deviendrait un havre de tranquillité.
Durant la matinée du troisième jour, un chanoine de l’Église anglicane le rencontra au petit déjeuner. La conversation s’orienta sur la répugnance des riches à partager leurs biens, Abdu’l-Bahá, citant les paroles de Jésus: « Combien sera difficile l’entrée dans le Royaume des cieux pour ceux qui ont des richesses ». [voir : Mathieu 19 :23-24 ; Marc 10 :23-25 et Luc 18 :24-25] Il fit remarquer que c’est seulement quand le vrai chercheur trouve que les attachements matériels le privent de son héritage spirituel, qu’il entre avec bonheur sur le chemin de la renonciation. Alors l’homme riche partagera dans la joie ses biens terrestres avec les nécessiteux. Abdu’l-Bahá nota le contraste entre l’hospitalité sans prétention qui s’offrait à lui et les banquets coûteux des riches, qui trop souvent sont assis à leur fête, oublieux des multitudes d’affamés.
Il enjoignit ceux qui l’écoutaient de répandre la lumière dans leur propre maison pour enfin illuminer toute la communauté.
Abdu’l-Bahá retourna alors à Londres. Le souhait le plus cher de ceux qui avaient eu le privilège de le rencontrer était que ses disciples d’autres contrées sachent combien les habitants de Clifton avaient apprécié sa visite et pris conscience de son pouvoir spirituel et de son amour.
2.25. À BYFLEET
Dans l’après-midi du 9 septembre, quelques travailleuses de l’établissement Passmore Edwards, qui étaient en vacances avec Mesdemoiselles Schepel et Buckton à Vanners dans Byfleet, un village à environ trente kilomètres de Londres, eurent le grand privilège de rencontrer Abdu’l-Bahá. Elles écrivirent un court récit de ses propos pour en garder le souvenir. En voici un extrait.
Nous nous rassemblâmes en cercle autour de lui, et il nous fit asseoir à ses côtés sur les sièges près de la fenêtre. L’une d’entre nous qui était malade reçut de sa part une marque toute spéciale de gentillesse. Tout en s’asseyant Abdu’l-Bahá commença par dire: « Etes-vous heureuses? » et nos visages durent lui montrer que nous l’étions.
Il dit alors:
« Je vous aime toutes, vous êtes les enfants du Royaume, et vous êtes acceptées de Dieu. Bien que vous soyez pauvres ici, vous êtes riches des trésors du Royaume. Je suis le Serviteur des pauvres. Souvenez-vous de Sa Sainteté Jésus lorsqu’Il disait: "Bénis sont les pauvres!" [voir :Mathieu 5:3 et Luc 6:20]. Même si toutes les reines de la terre étaient rassemblées ici, je ne pourrais pas être plus heureux! ».
Abdu’l-Bahá savait que nous avions un coffret à monnaies pour essayer d’aider les gens moins fortunés que nous.
Il se leva et dit:
« Vous m’êtes chères. Je veux faire quelque chose pour vous! Je ne peux pas cuisiner pour vous (peu avant il nous avait vues occupées dans la cuisine) mais voici quelque chose pour votre fonds ».
Il fit le tour de chacune d’entre nous en nous serrant la main avec un beau sourire et en nous saluant d’une formule Bahá’íe: « Alláh’u’Abhá ! ».
Plus tard il marcha dans le village, et beaucoup d’enfants pauvres vinrent à lui, ainsi que des mères avec des nourrissons malades et des hommes sans travail. Il parla à tous, grâce à un interprète. A l’heure du thé d’autres amis nous rejoignirent. Abdu’l-Bahá aimait le jardin du cottage à Vanners, le petit verger et les roses. Il dit: « C’est comme un jardin persan. L’air est très pur ».
Au moment de son départ pour Londres, il offrit à chacun une pensée violette du jardin, et dit à plusieurs reprises en anglais: « Au revoir ».
Le 28 septembre, Abdu’l-Bahá se rendit à nouveau à Vanners dans la petite ferme du vieux manoir royal datant du temps d’Edward II. Il fut conduit en véhicule motorisé, y passa la nuit et retourna à Londres le lendemain soir.
Abdu’l-Bahá fut très frappé durant le trajet par deux patrouilles de boy scouts marchant à pas cadencés sur la route. Quand nous lui dîmes que la devise des scouts est « Toujours prêts », et qu’une de leurs lois consiste à faire une bonne action chaque jour et que certains de ces garçons avaient éteint un incendie et apporté leur aide lors d’un récent accident de chemin de fer, il dit: « Cela me rend très heureux ».
En arrivant à Vanners, il trouva une grande foule bigarrée, rassemblée devant le portail pour l’accueillir. Il y avait aussi bien des gens complètement pauvres que des riches arrivés en voiture du fin fond de leur campagne. Un grand nombre le suivirent et tous se pressèrent tant qu’ils purent dans le jardin pour s’asseoir par terre autour de lui. Le silence était très impressionnant. La même attention et le même désir d’entendre se manifestaient chez les gens chaque fois que Abdu’l-Bahá apparaissait dans le village.
Après avoir exprimé sa joie d’être avec eux, il commença de parler au petit groupe en réponse à une question concernant la civilisation développée d’Occident.
2.26. LA CAPTIVITÉ DE L’HOMME
Abdu’l-Bahá dit:
« Le luxe entrave la liberté des relations. Celui qui est prisonnier de ses désirs est toujours malheureux; les enfants du Royaume se sont libérés des chaînes de leurs désirs. Brisez tous vos fers et recherchez la joie et l’illumination spirituelles; alors, bien que vous marchiez sur cette terre, vous vous apercevrez que vous faites partie de l’horizon divin. A l’homme seul est donnée cette faculté. Quand nous regardons autour de nous, nous voyons toutes les autres créatures captives de leur environnement.
L’oiseau est prisonnier de l’air et le poisson de la mer. Seul l’homme se tient à part et dit aux éléments: "Je ferai de vous mes serviteurs! Je puis vous gouverner!" Il prend l’électricité, et grâce à son ingéniosité il l’emprisonne et en fait un merveilleux pouvoir pour éclairer, et un moyen pour communiquer à des distances de plusieurs milliers de milles anglais. Mais l’homme lui-même peut devenir un prisonnier des choses qu’il a inventées. Sa véritable seconde naissance arrive quand il est libéré de toutes les choses matérielles: car seul est libre celui qui n’est pas captif de ses désirs. Il est devenu, comme Jésus l’a dit, prisonnier de l’Esprit-Saint ».
2.27. LE POUVOIR DE DIEU
Un ami demanda à Abdu’l-Bahá jusqu’à quel point un individu peut posséder en lui-même cette conscience du Christ que St. Paul nomme l’espérance de la gloire? [voir : Epître de Saint Paul aux Romains, 5:2]
Abdu’l-Bahá se tourna avec une grande joie dans le regard et dit avec un geste émouvant:
« La bonté et le pouvoir de Dieu sont sans limites pour chaque âme humaine. Considérez ce qu’était le pouvoir vivifiant du Christ quand Il était sur terre. Regardez ses disciples! Ils étaient des hommes pauvres et non cultivés. D’un rustre pêcheur Il fit le grand Pierre, et de la pauvre fille du village de Magdala il fit quelqu’un de vénéré pour son pouvoir dans le monde entier aujourd’hui. On se souvient de nombreuses reines qui ont régné grâce aux dates qui figurent dans l’histoire. Mais Marie Madeleine est plus grande que toutes ces reines. Elle est celle dont l’amour fortifia les apôtres quand leur foi chancelait. Ce qu’elle fit pour le monde ne peut être mesuré. Voyez quel pouvoir divin s’embrasait en elle par le pouvoir de Dieu! »
2.28. LES MESSAGERS INSPIRÉS
Quand on lui demanda s’il serait toujours nécessaire que les Prophètes viennent d’âge en âge:
« Le monde ne parviendrait-il pas à avoir une pleine connaissance de Dieu au fil des événements qui marqueraient sa progression? »
Abdu’l-Bahá répondit:
« L’humanité a besoin d’une source d’énergie universelle pour la vivifier. Le Messager inspiré qui est directement assisté par le pouvoir de Dieu produit des résultats universels. Bahá’u’lláh se leva telle une lumière sur la Perse et maintenant cette lumière se propage dans le monde entier ».
Est-ce la signification de la seconde venue du Christ? :
« Le Christ est une expression de la Réalité divine, de l’Essence unique et de l’Entité céleste, qui n’a ni commencement ni fin. Chaque cycle comprend une apparition, une révélation, une manifestation et un déclin ».
Ceux qui ont été avec Abdu’l-Bahá ont noté que souvent après avoir parlé aux gens avec ardeur, il se tournait tout d’un coup et allait marcher plus loin pour être seul. En de tels moments personne ne le suivait. Cette fois-ci, quand il eut fini de parler et qu’il partit par le portail du verger vers le village, tous furent frappés par son pas libre et merveilleux qui a été décrit par l’un de nos amis américains comme celui d’un berger ou d’un roi.
Quand il passa, des enfants en haillons se groupèrent par douzaines autour de lui, les garçons le saluant comme ils l’avaient appris à l’école, et lui montrant comment instinctivement ils avaient ressenti l’importance de sa présence. Le plus remarquable fut le silence des hommes même les plus durs quand Abdu’l-Bahá parut. Un pauvre clochard s’exclama: « C’est un homme bon », et ajouta « Oui, il a souffert! »
Il témoigna un intérêt particulier pour les enfants malades, estropiés et mal nourris. Les mères portant leurs plus petits le suivirent, et un ami expliqua que ce grand visiteur avait traversé les mers depuis la Terre sainte où Jésus était né.
Pendant toute la journée, des gens de toutes conditions se rassemblèrent devant le portail dans l’espoir de l’apercevoir, et plus de soixante personnes vinrent en voiture ou à vélo jusqu’à Vanners pour le voir, nombreux étant ceux qui souhaitaient le questionner sur un sujet spécial. Parmi eux il y avait des ecclésiastiques de différentes confessions, le directeur d’une grande école d’enseignement secondaire de garçons, un membre du Parlement, un docteur, un écrivain politique célèbre, un recteur d’université, plusieurs journalistes, un poète bien connu et un magistrat de Londres.
On se souviendra longtemps de lui alors qu’il était assis près de la fenêtre en rotonde dans le soleil de l’après-midi; de son bras il entourait les épaules d’un petit enfant déguenillé mais très heureux, venu pour demander à Abdu’l-Bahá six pence à mettre dans sa tirelire pour sa mère infirme. Autour de lui s’étaient rassemblés dans la pièce des hommes et des femmes qui discutaient de l’éducation, du socialisme, du premier Reform Bill, et de la relation entre les sous-marins, la télégraphie sans fil et l’ère nouvelle dans laquelle l’homme était en train d’entrer. [nota :le Reform Bill est l’acte qui en 1832 réforma le Bill of Rights de 1689 en instaurant le suffrage universel]
Durant la soirée deux jeunes fiancés du village, qui avaient lu quelques livres Bahá’ís, demandèrent la permission de venir à lui. Ils entrèrent timidement, le garçon conduit par la fille. Abdu’l-Bahá se leva pour les saluer, et les fit prendre place dans le cercle. Il leur parla avec ardeur du sens sacré du mariage, de la beauté d’une union véritable, et de l’importance du petit enfant et de son éducation. Avant leur départ il les bénit et oignit leur tête et leur front d’un parfum persan.
2.29. L’ÉDUCATION
Abdu’l-Bahá insista grandement sur l’éducation. Il dit:
« L’éducation de la fille est aujourd’hui d’une plus grande importance que l’éducation du garçon, car elle est la mère de la génération future. C’est le devoir de tous de s’occuper des enfants. Ceux qui n’ont pas d’enfants devraient, si possible, se rendre responsables de l’éducation d’un enfant ».
La condition des indigents dans les villages et à Londres impressionna fortement Abdu’l-Bahá. Lors d’une conversation pleine d’ardeur avec le recteur d’une paroisse, Abdu’l-Bahá dit:
« Je trouve l’Angleterre réveillée; il y a de la vie spirituelle ici. Mais vos pauvres sont si pauvres! Cela ne devrait point être. D’un côté vous avez de la richesse et un grand luxe; d’un autre côté des hommes et des femmes vivent à la limite de la faim et du besoin. Ce grand contraste dans la vie est l’un des points noirs de la civilisation en cet âge illuminé.
Vous devez prêter une attention plus empressée concernant l’amélioration de la condition des pauvres. Ne soyez satisfaits que lorsque chaque personne pour qui vous vous sentez concerné deviendra pour vous comme un membre de votre famille. Considérez chacun soit comme un père, soit comme un frère, soit comme une soeur, soit comme une mère, soit comme un enfant. Si vous pouvez parvenir à cela, vos difficultés s’aplaniront, vous saurez quoi faire. Tel est l’enseignement de Bahá’u’lláh ».
2.30. LE CHANGEMENT DU COEUR
A une personne qui parlait du désir du peuple de posséder la terre, et du profond courant de révolte des classes laborieuses, Abdu’l-Bahá dit:
« Se battre, et employer la force, même pour une juste cause, n’apportera pas de bons résultats. Les opprimés qui ont le droit de leur côté, ne doivent pas saisir ce droit par la force; le mal continuerait. Les coeurs doivent être changés. Les riches doivent souhaiter donner! La vie en l’homme devrait être comme une flamme, réchauffant tout ce avec quoi elle entre en contact. Les êtres spirituellement réveillés sont comme des torches brillantes aux yeux de Dieu, ils donnent de la lumière et du réconfort à leurs semblables ».
Quand on lui demanda s’il ne trouvait pas les manières des Anglais grossières et maladroites, en comparaison de celles d’Orient, Abdu’l-Bahá dit qu’il n’avait pas ressenti cela. Quand une nation croît en spiritualité, les manières deviennent différentes.
2.31. CHRIST ET BAHÁ’U’LLÁH
Un ami demanda en quoi les enseignements de Bahá’u’lláh contrastaient avec ceux de Jésus-Christ.
« Les enseignements sont les mêmes » déclara Abdu’l-Bahá. « C’est le même fondement et le même temple. La vérité est une, et sans division. Les enseignements de Jésus sont sous une forme condensée. Les hommes ne sont pas d’accord aujourd’hui sur le sens donné à nombre de Ses paroles. Ses enseignements sont comme une fleur en bourgeon. Aujourd’hui, le bourgeon se déploie en une fleur! Bahá’u’lláh a élargi et accompli les enseignements, et les a appliqués en les détaillant au monde entier.
Il n’y a pas d’anachorètes ni d’ermites parmi les Bahá’ís. L’homme doit travailler avec ses semblables. Chacun devrait avoir un commerce, une profession ou pratiquer un art, qu’il soit riche ou pauvre, et avec cette activité, il doit servir l’humanité. Ce service est accepté comme la plus haute forme d’adoration ».
2.32. L’ART
Une femme peintre demanda: « Est-ce que l’art est une vocation digne? » Abdu’l-Bahá se tournant vers elle avec solennité dit: « L’Art est adoration ».
Un acteur s’enquit du théâtre et de son influence. "Le théâtre est de la plus haute importance" dit Abdu’l-Bahá. « Il a eu un grand rôle éducatif dans le passé; il en sera encore ainsi ». Il décrivit comment tout jeune garçon il assista à une représentation du mystère et de la passion de ‘Ali et combien cela le toucha profondément à tel point qu’il sanglota et ne put dormir pendant plusieurs nuits.
2.33. LES SYMBOLES
Quelqu’un voulut savoir si c’était une bonne coutume de porter un symbole, comme par exemple une croix. Il dit:
« Vous portez la croix pour vous souvenir, elle concentre vos pensées; elle n’a aucun pouvoir magique. Les Bahá’ís portent souvent une pierre avec le Plus Grand Nom gravé dessus: il n’y a aucune influence magique dans cette pierre; c’est un moyen de rappel, et un compagnon. Si vous êtes sur le point de faire une action égoïste ou précipitée, et si votre regard tombe sur la bague à votre main, vous vous souviendrez et vous changerez votre intention ».
2.34. L’ESPERANTO
Un ami s’informa sur la prophétie de Bahá’u’lláh dans les Paroles du Paradis [voir :8ème feuille, Paroles du Paradis, Tablettes de Bahá’u’lláh, MEB, Bruxelles, 1994], concernant l’institution d’une langue universelle, et désira savoir si l’espéranto serait la langue choisie.
« L’amour et l’effort placés dans l’espéranto ne seront pas perdus" répondit-il, "mais aucune personne ne peut construire seule une langue universelle. Elle doit être élaborée par un Conseil représentant tous les pays, et doit contenir des mots de différentes langues. Les règles les plus simples la régiront, et il n’y aura pas d’exceptions; il n’y aura ni genre, ni lettres muettes ni surcharges. Tout ce qui sera signifié n’aura qu’un nom. En arabe, il y a des centaines de noms pour désigner le chameau! Dans les écoles de chaque nation la langue maternelle sera enseignée ainsi que la langue universelle officielle ».
2.35. TOLSTOÏ
Le même intervenant dit: « J’ai beaucoup lu Tolstoï et je vois un parallèle entre ses enseignements et les vôtres. Dans l’un de ses livres il parle de l’énigme de la vie, et décrit comment la vie est gâchée dans notre effort pour en trouver la clef. Et Tolstoï d’ajouter: Il y a un homme en Perse qui détient le secret. »
« Oui » dit Abdu’l-Bahá, « J’ai reçu une lettre de Tolstoï dans laquelle il dit souhaiter écrire un livre sur Bahá’u’lláh ».
2.36. LA GUÉRISON
Un ami intéressé par ce qui touche à la guérison cita les paroles de Bahá’u’lláh: « Si quelqu’un est malade, qu’il aille chez le plus grand médecin ». [nota :la citation exacte de Bahá’u’lláh est: « Quand vous tombez malade, consultez des médecins compétents », citation tirée d’une compilation préparée par la Maison Universelle de Justice Health and Healing: « Some aspects », the National Spiritual Assembly of the Bahá’ís of New-Zealand, Auckland, 1981]
Abdu’l-Bahá dit:
« Il n’y a qu’un pouvoir qui guérit, c’est Dieu. L’état ou la condition qui permettent la guérison c’est la confiance du coeur. Quelques-uns atteignent cet état au moyen de pilules et de poudres et grâce à des médecins. D’autres au moyen de l’hygiène, du jeûne, et de la prière; d’autres grâce à une aptitude particulièrement sensible qui leur permet de percevoir les choses directement ».
A une autre occasion, Abdu’l-Bahá dit concernant ce même sujet:
« Tout ce que nous voyons dans le monde autour de nous est le travail de l’esprit. C’est l’esprit dans l’herbe et dans le minéral qui agit sur le corps humain, et change sa condition ».
La causerie se prolongea en un discours érudit sur la philosophie d’Aristote.
2.37. LA MORT
Un ami demanda: « Comment devrait-on attendre la mort? »
Abdu’l-Bahá répondit:
« Comment envisage-t-on le but de tout voyage? Avec espoir et impatience. Il en va de même pour le terme de ce voyage terrestre. Dans l’autre monde, l’homme se retrouvera libéré des nombreuses infirmités qui aujourd’hui le font souffrir. Ceux qui ont franchi le cap de la mort ont leur propre monde. Ce monde n’est pas éloigné du nôtre; l’oeuvre qu’ils accomplissent, l’oeuvre du Royaume, est aussi notre oeuvre; mais elle est sanctifiée de ce que nous appelons le temps et l’espace. Notre temps est mesuré en fonction du soleil. Lorsqu’il n’y a plus de lever du soleil, ni de coucher du soleil, ce type de temps n’existe plus pour l’homme. Ceux qui sont montés au ciel ont des attributs différents de ceux qui sont encore sur terre, mais en fait il n’y a pas de réelle séparation.
Dans la prière, il y a interpénétration d’états, mélange des conditions. Priez donc pour eux comme ils prient pour vous! Sans que vous le sachiez, si vous êtes en difficulté et lorsque vous êtes dans une attitude réceptive, ils sont capables de vous faire des suggestions. Cela se produit quelquefois durant le sommeil, mais cela n’a rien de prodigieux! Ce qui semble prodigieux a une autre explication". L’intervenant s’exclama: "Mais j’ai entendu une voix!" Abdu’l-Bahá dit: "Oui, c’est possible; nous entendons clairement des voix durant les rêves. Ce n’est pas avec l’oreille physique que vous avez entendu; l’esprit de ceux qui sont partis est libéré des sens de la vie, et n’utilise pas de moyens physiques. Ce n’est pas possible d’exprimer ces grandes questions dans le langage humain; le langage des hommes est le langage des enfants, et l’explication que donne l’homme souvent nous égare ».
Quelqu’un demanda comment il se faisait que pendant une prière ou une méditation, le coeur souvent se tourne vers un ami qui est passé dans l’autre vie et lui lance instinctivement un appel.
Abdu’l-Bahá répondit:
« C’est une loi de la création de Dieu que le faible devrait s’appuyer sur le fort. Ceux vers qui vous vous tournez peuvent être les médiateurs du pouvoir de Dieu pour vous, de la même façon que lorsqu’on est sur terre. Mais c’est le Saint-Esprit seul qui fortifie tous les hommes". Ensuite, un autre ami se référa à la communion de Jésus avec Moïse et Elie sur le Mont de la Transfiguration, et Abdu’l-Bahá dit: "Les fidèles sont toujours soutenus par la présence du Concours suprême. Dans le Concours suprême, il y a Jésus et Moïse, et Elie, et Bahá’u’lláh, et d’autres âmes suprêmes; il y a aussi les martyrs ».
Quand on le questionna sur la permanence de la personnalité de l’animal après la mort, Abdu’l-Bahá dit:
« Même le chien le plus développé n’a pas l’âme immortelle de l’homme; cependant le chien est parfait à sa propre place. Vous ne vous querellez pas avec un rosier parce qu’il ne peut pas chanter! »
2.38. UN VRAI BAHÁ’Í
Une personne qui étudiait les méthodes contemporaines de critique historique demanda à Abdu’l-Bahá s’il ferait bien de rester dans l’Église qu’il fréquenta toute sa vie, et dont le langage était plein de sens pour lui.
Abdu’l-Bahá répondit:
« Vous ne devez pas vous en désintéresser. Sachez ceci; le Royaume de Dieu n’est dans aucune association; des chercheurs vont à travers de nombreuses associations comme un voyageur traverse de nombreuses villes jusqu’à ce qu’il atteigne sa destination. Si vous appartenez déjà à une association n’abandonnez pas vos frères. Vous pouvez être un Bahá’í-chrétien, un Bahá’í franc-maçon, un Bahá’í-juif, un Bahá’í-musulman.
[nota :ce passage doit être compris dans le sens où un Bahá’í peut avoir n’importe quelle origine religieuse et même être d’origine athée. Il ne doit pas être compris comme si un Bahá’í pouvait appartenir à plusieurs confessions; le post-scriptum d’une lettre écrite de la part du Gardien indique: « ...Aucun Bahá’í ne peut plus longtemps dissimuler sa foi et continuer à pratiquer les lois et ordonnances d’une Dispensation précédente tout en se déclarant un croyant » (Helen Hornby, Lights of Guidance, Chapitre IX, lettre du 21 mai 1933, extrait n°531, Bahá’í Publishing Trust, New-Delhi, India, Deuxième édition révisée et enrichie, 1988). Dans une autre lettre écrite de la part du Gardien il est dit: « ...nous, en tant que Bahá’ís, ne devons avoir aucune affiliation avec des églises ou des partis politiques... C’est pourquoi nous devrions nous retirer de nos églises mais, si nous le souhaitons, continuer de fréquenter leurs membres et leurs ministres » (ibidem, lettre du 24 juin 1947, extrait n°530). Enfin la Maison Universelle de Justice a clairement statué que: « Si une personne est inscrite en tant que membre d’une église ou d’une organisation religieuse similaire, celle-ci devrait s’en retirer dès qu’elle se déclare Bahá’íe » (Ibidem, lettre du 21 novembre 1968, extrait n°532)]
Le nombre neuf contient huit, et sept, et tous les autres nombres, et ne renie aucun des autres. Ne peinez et ne refusez personne en disant: "Il n’est pas Bahá’í". Il sera connu par ses actes. Il n’y a aucun secret parmi les Bahá’ís, un Bahá’í ne cache rien ».
2.39. PROPAGER L’ENSEIGNEMENT
Un ami américain l’interrogea: « Quelle est la meilleure façon de propager l’enseignement? » il répondit:
« Par les actes. Cette manière est ouverte à tous, et les actes sont compris de tous. Joignez-vous à ceux qui travaillent pour les pauvres, les faibles et les infortunés; ceci est grandement recommandé. Enseigner par des mots requiert l’adresse d’un sage médecin. Il n’offre pas d’aide à ceux qui ne veulent pas de traitement. Ne portez pas aide à ceux qui n’ont pas besoin de votre aide. Le travail d’enseignement n’est pas pour tous ».
L’histoire suivante montre combien l’attention de Abdu’l-Bahá se porte sur de petits détails où d’autres sont impliqués. Apprenant que quelques-uns de ses amis étaient venus de Londres, et avaient projeté de s’arrêter pour la nuit dans le village afin d’être près de lui, Abdu’l-Bahá en fit immédiatement ses invités à l’auberge, et se souciant de leur confort, alla personnellement inspecter les chambres, car les nuits devenaient froides.
2.40. À BROOKLANDS
Le matin du second jour, une voisine fit mettre sa voiture à la disposition de Abdu’l-Bahá en lui demandant s’il ne lui plairait pas d’emmener ses invités au terrain d’aviation de Brooklands. Malgré le grand vent, un aviateur s’était mis sur la piste dès qu’il avait appris le nom du visiteur pour qui il devait voler. Abdu’l-Bahá laissa ses amis et marcha jusqu’au milieu du terrain, où il se tint seul debout regardant le biplan faire de larges cercles au-dessus de lui.
Un hindou qui apprenait à voler à l’école rejoignit les amis de Abdu’l-Bahá et demanda: « Qui est l’homme en habit oriental? »
Quand on le lui dit, il s’exclama: « Oh, je le connais très bien à travers ses enseignements que j’ai étudiés » et immédiatement il alla à la rencontre de Abdu’l-Bahá.
Ils parlèrent ensemble en arabe un certain temps, le jeune homme montrant une grande joie d’être en sa présence. Il dit par la suite qu’il avait attendu ce moment pendant de nombreuses années.
Pendant qu’ils prenaient le thé au-dehors, Abdu’l-Bahá et le jeune hindou, assis à l’extrémité des longs bancs qui avaient été installés, se parlèrent très simplement.
Abdu’l-Bahá remarqua deux des aviateurs qui faisaient de la lutte au sol, et quand ils s’arrêtèrent, il alla vers eux tapant des mains et criant en anglais: « Bravo! Bravo! c’est un bon exercice ».
De retour en Egypte, Abdu’l-Bahá a envoyé un télégramme plein d’amabilité présentant ses compliments aux gens de Byfleet, leur disant qu’il ne les oublierait jamais.
2.41. LES JOURNÉES À LONDRES
Pendant le séjour de Abdu’l-Bahá à Cadogan Gardens [nota : Cadogan Gardens – voir aussi la longue note sur « Lady Blomfield » chap. 1.8 « Réunion d’adieu à Abdu’l-Bahá »] les gens arrivaient tous les jours, à n’importe quelle heure de la journée du matin très tôt à la nuit tombante, espérant avoir le privilège de le voir et de l’entendre parler. Nombreuses furent les réunions autour de la table de cette maison hospitalière et des centaines de personnes y furent conviées. Beaucoup vinrent sans invitation et personne ne fut éconduit. Parmi les visiteurs il y eut des membres du clergé de diverses confessions, des membres du Parlement, des magistrats et des hommes de lettres.
Les visiteurs n’étaient pas seulement des Anglais; de nombreux Persans avaient fait le voyage depuis Téhéran et d’autres villes d’Orient afin de rencontrer librement celui dont ils avaient été si longtemps privés à cause de sa captivité.
Le rédacteur en chef d’un journal imprimé au Japon, modifia son itinéraire de retour pour Tokyo dans le but de pouvoir passer la nuit près de Abdu’l-Bahá, et un médecin zoroastrien de Bombay lui rendit visite tardivement la veille de son retour pour l’Inde.
2.42. LE TRAVAIL DES FEMMES
L’intérêt de Abdu’l-Bahá pour le travail et le progrès des femmes est bien connu, et parmi les notables de la haute société qui vinrent le voir, on peut mentionner Madame Annie Besant, présidente de la société théosophique, les organisatrices de plusieurs corps de suffragettes, des femmes actives dans le domaine des droits des citoyens et dans le domaine philanthropique, les directrices de plusieurs collèges de filles et des femmes ayant leur doctorat. [nota : les suffragettes sont des militantes en faveur du suffrage universel. Le gouvernement de coalition de Lloyd George fera adopter en janvier 1918 le suffrage universel complet dont le droit de vote aux femmes de plus de trente ans. En 1928, la limite d’âge des femmes pour le droit de vote sera ramenée de 30 à 21 ans (Serge Cosseron et Philippe Faverjon, L’Europe de 1815 à nos jours, La Manufacture, Besançon, 1991). Addendum: les femmes voteront pour la première fois en France en 1945, lors des élections municipales et cantonales et lors de l’élection de l’Assemblée constituante]
Ceux qui eurent le privilège d’être présents se souviendront longtemps de cette conversation pleine d’esprit à l’occasion de la visite d’une ardente suffragette. La pièce était remplie d’hommes et de femmes, de nombreux Persans étant assis sur le sol dans leur attitude familière pleine de respect.
Après avoir examiné de manière comparative la position générale des femmes de l’Est et de l’Ouest, et décrit comment sous de nombreux aspects les femmes de l’Est ont un avantage sur leurs soeurs de l’Ouest, Abdu’l-Bahá se tourna vers la visiteuse et dit: « Donnez-moi vos raisons pour croire qu’aujourd’hui la femme devrait avoir le droit de voter? »
Réponse: « Je crois que l’humanité est une humanité divine et qu’elle doit s’élever de plus en plus haut; mais elle ne peut prendre son essor avec une seule aile ». A cette réponse, Abdu’l-Bahá exprima son plaisir, et, souriant, répliqua: « Mais que ferez-vous si une aile est plus forte que l’autre? » Réponse: « Alors nous devons fortifier l’aile la plus faible, sinon le vol sera toujours gêné ».
Abdu’l-Bahá sourit et demanda: « Que direz-vous si je vous prouve que la femme est l’aile la plus forte? »
La réponse vint d’une veine tout aussi éclatante: « Vous gagnerez mon éternelle gratitude! » ce qui amusa toute la compagnie.
Abdu’l-Bahá continua plus sérieusement:
« La femme est en effet de la plus grande importance pour la race humaine. Elle porte le plus lourd fardeau et fournit le plus grand travail. Regardez les mondes végétal et animal. Le palmier qui porte le fruit est l’arbre le plus prisé par ceux qui font la culture des dattes. L’Arabe sait que pour un long voyage la jument est plus endurante. Pour sa plus grande force et férocité, le chasseur craint plus la lionne que le lion.
Il a été prouvé que la simple taille du cerveau n’est pas une mesure de la supériorité. La femme a un plus grand courage moral que l’homme; elle a aussi des dons spéciaux qui la rendent capable de gouverner dans des moments de danger et de crise. Si nécessaire elle peut devenir un guerrier ».
2.43. ZENOBIE
Abdu’l-Bahá demanda aux gens qui l’entouraient s’ils se souvenaient de l’histoire de Zenobie et de la chute de Palmyre [nota : au 3ème siècle après Jésus Christ sous l’Empereur romain Aurélien]. Il continua alors comme suit, faisant des gestes de la main avec la simplicité et la gravité qui lui étaient propres:
« Il y avait alors un gouverneur dans l’ancienne Syrie, qui avait une épouse belle et intelligente. Elle avait de telles capacités qu’au décès du gouverneur elle fut placée aux rênes du pouvoir. Le pays prospérait sous sa tutelle, et les hommes reconnurent qu’elle était meilleure souveraine que son mari. Après un temps, les légions de Rome envahirent le pays, mais elle les repoussa à plusieurs reprises, les jetant dans une grande confusion. Laissant tomber ses beaux cheveux, elle chevauchait à la tête de l’armée, vêtue d’un manteau écarlate, portant une couronne d’or, et maniant une épée à double tranchant. L’Empereur romain retira alors ses armées de cinq autres provinces dans le but de la soumettre. Après un long et brave combat Zenobie se replia dans la ville de Palmyre qu’elle renforça de prodigieuses fortifications, et là elle endura un siège de quatre mois, l’Empereur étant incapable de l’en déloger. La nourriture qu’elle avait stockée à l’intérieur des murs fut finalement épuisée, la misère et les plaies de son peuple affamé la forcèrent à se rendre.
L’Empereur était plein d’admiration pour cette grande femme, en raison de son courage et son endurance, et il lui demanda de devenir son épouse. Mais elle refusa, disant qu’elle ne consentirait jamais à prendre pour époux l’ennemi de son peuple. L’Empereur devint alors enragé et fut décidé à l’humilier. Il la prit avec lui dans ses vaisseaux pour son retour à Rome. Un grand défilé fut préparé pour son entrée triomphale et les rues étaient pleines de gens. Les éléphants défilèrent en premier, suivis des chameaux. Après les chameaux ce fut le tour des tigres et des léopards. Après les léopards vinrent les singes, et en dernière position, après les singes, marchait Zenobie avec une chaîne d’or autour du cou. Elle se tenait toujours tête haute, ferme dans sa détermination. Rien ne pouvait briser son esprit! Elle refusa de devenir Impératrice: elle fut donc jetée dans un cachot et par la suite elle mourut ».
Abdu’l-Bahá s’interrompit. Le silence régna dans la pièce pendant un long moment avant qu’il ne soit rompu.
Une autre fois Abdu’l-Bahá dit à un groupe d’amis autour de lui:
« Prises dans leur ensemble, les femmes ont aujourd’hui un plus fort sens de la religion que les hommes. L’intuition des femmes est plus juste; elle est plus réceptive et son intelligence est plus vive. Le jour arrive où la femme démontrera sa supériorité sur l’homme.
La femme a partout été l’objet d’éloges pour sa fidélité. Après les souffrances du Seigneur Christ, ses disciples pleurèrent, et donnèrent libre cours à leur peine. Ils pensaient que leurs espoirs avaient volé en éclats, et que la Cause était complètement perdue, jusqu’à ce que Marie Madeleine vint à eux pour les fortifier disant: "Etes-vous en deuil pour le corps de Notre Seigneur ou pour son esprit? Si vous êtes en deuil pour son esprit, vous êtes dans l’erreur car Jésus vit! Son esprit ne nous quittera jamais!" Ainsi grâce à sa sagesse et son encouragement la Cause du Christ se maintint pour toujours. Son intuition la rendit capable de saisir ce fait spirituel ». [voir : Marc 16 :10 ; Luc 24 :9 et 24 :22 et Jean 20 :18]
Abdu’l-Bahá ajouta alors:
« Mais aux yeux de Dieu le sexe ne fait nulle différence. Le plus grand est celui ou celle qui est le plus proche de Dieu ».
Un matin Abdu’l-Bahá, en entrant dans la pièce regarda autour de lui et dit:
« C’est comme un miracle d’être ensemble ici. Il n’y a point de lien racial, politique ou patriotique. Nous sommes reliés par les paroles de Bahá’u’lláh, et toutes les races de la terre seront réunies de la même manière. De cela, soyez assurés! »
2.44. LE VRAI BAHÁ’Í
« Je n’ai jamais entendu parler de Bahá’u’lláh », dit un jeune homme. « Je n’ai eu quelque lecture sur ce mouvement, mais je reconnais la mission de Abdu’l-Bahá et je désire être un disciple. J’ai toujours cru que la fraternité humaine était l’ultime solution de toutes nos difficultés nationales et internationales ».
« Cela ne fait aucune différence que vous ayez ou non entendu parler de Bahá’u’lláh », répondit Abdu’l-Bahá, « l’homme qui vit la vie en accord avec les enseignements de Bahá’u’lláh est déjà un Bahá’í. D’un autre côté un homme peut se dire Bahá’í pendant cinquante ans, s’il ne vit pas la vie Bahá’íe il n’est pas un Bahá’í. Un homme laid peut se dire beau, mais il ne trompe personne, et un homme noir peut se dire blanc, là encore il ne trompe personne: même pas lui-même! »
2.45. LA VENUE DE LA PAIX
« Par quel processus » continua le jeune homme, « la paix sera-t-elle établie sur terre? Viendra-t-elle tout de suite après une proclamation universelle de la vérité? »
« Non, cela viendra graduellement » dit Abdu’l-Bahá.
« Une plante qui croît trop rapidement ne dure qu’un temps court. Vous êtes ma famille », et il regarda tout autour avec un sourire, « mes nouveaux enfants! Si une famille vit à l’unisson, de bons résultats s’observent. Elargissez le cercle; quand une ville vit dans une harmonie parfaite il s’en suivra de grandes réalisations, et un continent qui est pleinement uni unira de la même façon tous les autres continents. Alors viendra le temps des plus grands résultats, car tous les habitants de la terre appartiennent à une seule patrie ».
2.46. LE COEUR PUR
Quand on lui demanda une définition d’un coeur pur, Abdu’l-Bahá dit:
« Le coeur pur est celui qui est entièrement coupé du moi. Etre altruiste c’est être pur ».
2.47. LA VRAIE SPIRITUALITÉ
Un autre matin, Abdu’l-Bahá commença tout de suite à parler tandis qu’il rejoignait le groupe de chercheurs. Il dit:
« Louange soit à Dieu, ce siècle est un siècle glorieux; puisse l’amour augmenter chaque jour; puisse-t-il faire jaillir l’étincelle du feu pour allumer la chandelle dans l’obscurité, comme un don et une miséricorde de Dieu.
Sachez, ô vous êtres doués de pénétration, que la vraie spiritualité est comme un lac d’eau claire qui reflète la Divinité. Telle était la spiritualité de Jésus-Christ. Il y en a une d’un autre genre qui est comme un mirage, qui semble être spirituelle mais qui ne l’est pas. Ce qui est vraiment spirituel doit éclairer le sentier qui conduit à Dieu, et doit se traduire en actes. Nous ne pouvons pas croire qu’on se dise spirituel quand il n’y a pas de résultat. L’esprit est vérité, et quand l’esprit en chacun de nous cherche à se joindre à la grande vérité, il doit à son tour donner la vie. Les juifs au temps du Christ étaient morts, n’ayant pas de vie véritable, et Jésus fit vraiment jaillir un nouveau souffle dans leur corps. Regardez ce qui a été accompli depuis! ».
2.48. LA CONNAISSANCE DOIT SE CONCRÉTISER PAR L’ACTION
Un représentant d’une association très connue fit référence aux réunions qu’ils avaient dans le but de rechercher la réalité de la vérité, et Abdu’l-Bahá dit:
« Je connais votre travail. J’en pense beaucoup de bien. Je sais que votre désir est de servir l’humanité, et de réunir l’humanité sous la bannière de l’unicité; mais ses membres doivent prendre garde que cela ne devienne qu’une discussion. Regardez tout autour de vous. Combien de comités ont été formés, et ont eu une vie éphémère! Les comités et les associations ne peuvent pas créer ni donner la vie.
Les gens se réunissent et parlent, mais c’est le Verbe de Dieu qui, seul, agit avec puissance. Réfléchissez un instant: feriez-vous du commerce ensemble si vous n’aviez ni revenus ni bénéfices qui en découlent! Regardez les disciples du Christ. Leur pouvoir était dû à leur ardeur et à leurs actes. Tout effort doit avoir son résultat, sinon cela n’est pas un vrai effort. Vous devez devenir ces mèches qui éclairent le monde de l’humanité. Là sont les preuves et signe infaillibles. Tout progrès dépend de deux choses, la connaissance et la pratique. Premièrement acquérez la connaissance, et, quand vous êtes convaincus, mettez-la en pratique.
Un jour un homme érudit qui avait voyagé pour me rencontrer et recevoir ma bénédiction, disait qu’il connaissait et comprenait les enseignements Bahá’ís. Quand je lui dis qu’il pouvait recevoir les bénédictions du Saint-Esprit à n’importe quel moment s’il se mettait dans une attitude réceptive pour les accepter, il dit qu’il était toujours dans une attitude réceptive. »
« Que feriez-vous », lui demandai-je, « si je me tournais soudainement et je vous frappais? » Il s’emporta aussitôt avec indignation et sortit de la pièce à grands pas en colère.
Au bout d’un moment je vins à lui et lui prit le bras, en lui disant: "Mais vous devez rendre le bien pour le mal. Que je vous aie honoré ou méprisé, vous devriez suivre les enseignements; maintenant vous les avez simplement lus. Souvenez-vous des paroles de Jésus qui dit: « Le premier sera le dernier, et le dernier le premier ». [voir : Mathieu 19 :30 ; Marc 10 :31 et Luc 13 :30]
L’homme se tourna, serra ma main et partit, et depuis j’ai eu écho de nombreuses bonnes actions qu’il a faites.
Lorsqu’on désigna Abdu’l-Bahá du nom de Prophète, il répondit: « Mon nom est Abdu’l-Bahá, le serviteur de Dieu » (littéralement, « l’esclave de la Gloire »). [nota : à rapprocher de « Mon nom est Abdu’l-Bahá. Ma réalité est Abdu’l-Bahá, et servir toute la race humaine est ma religion perpétuelle... Abdu’l-Bahá est la bannière de la Plus Grande Paix... Il est le Héraut du Royaume, afin qu’il puisse réveiller les peuples de l’Est et de l’Ouest. Il est la voix de l’amitié, de la vérité et de la réconciliation, vivifiant toutes les régions. Il n’aura jamais ni nom, ni titre, excepté Abdu’l-Bahá. Ceci est mon aspiration. Ceci est mon rang suprême. O vous amis de Dieu! Abdu’l-Bahá est la manifestation de servitude et non pas le Christ. Il est le serviteur de l’humanité et non pas un chef. Conviez le peuple à la station du service de Abdu’l-Bahá et non sa chrétienté » (note d’une lettre envoyée aux amis de New York, 1er janvier 1907)]
2.49. LA VISITE AU LORD MAIRE
A la demande expresse du Lord Maire, Abdu’l-Bahá lui rendit visite un matin à la Mansion House. [nota : résidence officielle du Lord Maire dans la City de Londres] La discussion s’orienta principalement sur les conditions sociales des grandes villes, et Abdu’l-Bahá dit que Londres était la ville la plus organisée qu’il eut jamais vue.
Il ajouta:
« Chaque homme marchant dans la rue est libre comme s’il était dans son propre royaume. Il y a une grande lumière spirituelle dans Londres. L’effort fait pour la justice est réel et dans ce pays la loi est la même pour le pauvre comme pour le riche ».
Il prit grand intérêt à entendre parler du soin pris pour les prisonniers quand ils quittent la prison, et parla de l’heureux pays dont les magistrats sont comme des pères pour le peuple.
Avant de quitter Londres, Abdu’l-Bahá se rendit à un hôpital du quartier Est pour y voir un jeune écrivain très malade, qui y était alité et qui avait une grande envie de le rencontrer.
2.50. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES PERSONNELLES
Il y a un aspect du caractère de Abdu’l-Bahá sur lequel on n’a pas insisté, et sans lequel aucune idée de lui ne peut-être complète. L’impressionnante dignité qui se dégage de sa présence et de sa prestance est teintée d’un humour délicat et plein de tact, qui est tout aussi naturel que contagieux et délicieux.
Lors de son dernier après-midi à Londres, un journaliste vint s’enquérir de ses projets futurs, et le trouva entouré de plusieurs amis venus lui dire au revoir. En réponse à sa question, Abdu’l-Bahá lui fit part dans un anglais parfait de son intention de visiter Paris et ensuite de se rendre à Alexandrie; le représentant de la presse manifesta une certaine surprise à sa prononciation anglaise sans faute. Sur ce, Abdu’l-Bahá commença à marcher à grands pas libres dans la pièce pleine de senteurs de fleurs, son habit oriental contrastant étrangement avec son environnement moderne; et, au grand amusement de l’assemblée, il prononça une série de mots anglais élaborés, puis finit par dire en riant « Des mots anglais très difficiles je parle! » Un peu plus tard, avec la rapide transition de quelqu’un qui sait être à la fois gai et grave, il se montra terriblement sérieux.
Il avait laissé des ordres pour que personne ne soit renvoyé, mais quelqu’un qui avait essayé vainement par deux fois de l’atteindre et en avait été empêché par inadvertance, lui écrivit une lettre déchirante montrant qu’il s’était senti repoussé. L’interprète persan traduisit la lettre. Abdu’l-Bahá mit soudain son manteau, et, se dirigeant vers la porte, dit avec une expression de tristesse indescriptible: « Un de mes amis a été blessé, et j’en suis très peiné. Je sors tout seul » et il descendit les marches. Chacun put apprécier combien le titre de « Maître » lui seyait bien.
Un autre aspect de son caractère qu’aucun de ceux qui l’ont vu ne pourra oublier était son attitude envers les enfants qui lui étaient présentés. Il donna nombre de ses causeries assis, entourant l’un d’eux de son bras.
Il admonestait invariablement les parents ainsi: « Donnez à cet enfant une bonne éducation; efforcez-vous de lui donner le meilleur de ce que vous pouvez vous permettre, afin qu’il soit capable de bénéficier des privilèges de cet âge glorieux. Faites tout ce que vous pouvez pour encourager le spirituel en lui ».
Quiconque recherchait la présence de Abdu’l-Bahá était frappé de la sympathie paternelle qu’il incarnait.
Parlant de son amour et de celui des autres à son égard, Abdu’l-Bahá répondait:
« Je sais que vous m’aimez, je peux voir cela. Je prierai pour vous afin que vous soyez fermes, que vous serviez la Cause, et que vous deveniez un vrai serviteur de Bahá’u’lláh. Bien que je m’en aille, je serai toujours présent parmi vous ».
Ces paroles furent dites avec la plus grande sympathie et une compréhension bienveillante des difficultés; pendant cette petite causerie Abdu’l-Bahá prit les mains de son interlocuteur pour les caresser, et à la fin prit sa tête et avec une délicate attention l’attira à lui et baisa le front du jeune homme qui eut l’impression d’avoir trouvé un père et un ami.
2.51. L’ADIEU
Pour la dernière matinée du séjour de Abdu’l-Bahá à Londres beaucoup d’amis se rassemblèrent à Cadogan Gardens et à la gare pour lui dire au revoir [nota : Cadogan Gardens – voir aussi la longue note sur « Lady Blomfield » chap. 1.8 « Réunion d’adieu à Abdu’l-Bahá »]. Un médecin zoroastrien organisa chez lui une cérémonie émouvante et intéressante et envoya à quelques Parsis de Bombay un télégramme soigneusement rédigé comme suit: « La torche de la vérité flambe à nouveau à l’Est et à l’Ouest grâce à Abdu’l-Bahá ».
[nota : le nom de Parsis (Perses) est celui des habitants du Farsistan actuel, noyau de la Perse antique où vit de nos jours la majorité des Guèbres (Zoroastriens demeurés en Iran malgré les persécutions). Religion officielle des empires perses arsacides et sassanides. Depuis 716, les Parsis, chassés par les Musulmans, se sont fixés en Inde en quasi-totalité. Ils y ont apporté leur feu sacré et ont Bombay pour centre religieux depuis 1640 (Chapitre sur les religions, section sur le Parsisme, zoroastrisme ou mazdéisme, Quid, Editions Robert Laffont et Sté des Encyclopédies Quid, Paris, 1984)]
Instruit par ses frères, ce disciple d’une des plus anciennes religions dans le monde avait apporté avec lui une huile sacrée d’un parfum rare, avec laquelle il oignit la tête et la poitrine de Abdu’l-Bahá, et toucha ensuite les mains de tous ceux présents. Puis il posa autour du cou et des épaules de Abdu’l-Bahá une guirlande exquise de bourgeons de roses et de lilas.
La dernière vision que les amis eurent à la gare Victoria fut celle d’un visage et d’une silhouette vénérables à la fenêtre, qui lançait au-dehors un dernier regard plein de bienveillance et de tendresse à ceux qu’il quittait.
2.52. ENTREVUE AU WEEKLY BUDGET
23 septembre 1911
[nota : article tiré d’une entrevue accordée par Abdu’l-Bahá au Weekly Budget]
QUELQUES-UNES DES EXPÉRIENCES DE SES 40 ANS D’EMPRISONNEMENT
Dans un appartement à Cadogan Gardens est assis un oriental spirituellement illuminé, dont la récente venue à Londres marque la dernière jonction entre l’Est et l’Ouest. [nota : Cadogan Gardens – voir aussi la longue note sur « Lady Blomfield » chap. 1.8 « Réunion d’adieu à Abdu’l-Bahá »]
L’enseignement de Abdu’l-Bahá a déjà conduit des milliers d’anglais et d’anglaises à se mêler à des orientaux venant de tous les endroits de l’Est. Sur la base de l’aide mutuelle, de la fraternité et de l’adoration de Dieu, sans égard à la croyance et à la confession, ils ont joint leurs mains avec une ardeur et un amour fraternel à l’encontre des théories de certains poètes et philosophes sceptiques.
La plus grande partie de la vie de Abdu’l-Bahá s’est déroulée dans une prison orientale, qu’il endura allègrement plutôt que d’abjurer sa foi dont l’un des principes est l’absolue égalité des âmes sans égard aux différences physiques, telles que le sexe et la couleur. Il ne reconnaît aucune distinction de classe exceptée celle conférée par le service et l’esprit d’amour fraternel. Pour cette opinion et d’autres encore, il fut tenu prisonnier pendant quarante années dans la ville forteresse de Akka en Palestine [nota : aujourd’hui Acco en Israël]. Quand je demandai à m’entretenir avec lui, on me dit de venir tôt, et je vins en conséquence à neuf heures. C’était déjà la mi-journée pour Abdu’l-Bahá puisqu’il se levait à quatre heures, et qu’il avait déjà vu dix-huit personnes avant son petit déjeuner à six heures et demi du matin.
De nombreuses personnes, de différentes langues et nationalités, l’attendaient dans la salle de réception.
Nous nous assîmes en cercle en face de Abdu’l-Bahá qui demanda s’il y avait des questions que nous souhaitions lui poser. Je lui dis que mon rédacteur en chef m’avait envoyé m’informer sur sa vie en prison, et Abdu’l-Bahá aussitôt relata d’une façon simple et impersonnelle une histoire des plus remarquables que l’on puisse concevoir.
« A neuf ans, j’accompagnai mon père, Bahá’u’lláh, dans son exil pour Bagdad. Septante de ses disciples étaient avec nous. Ce décret d’exil, après de persistantes persécutions, avait pour but d’effacer de Perse d’une manière frappante ce que les autorités prenaient pour une religion dangereuse. Bahá’u’lláh fut banni et exilé d’un point à un autre avec sa famille et ses disciples. Quand j’avais vingt-cinq ans, nous fûmes conduits de Constantinople [nota : ancienne capitale de l’Empire ottoman, aujourd’hui connue sous le nom d’Istanbul] à Andrinople [nota : aujourd’hui Edirne, ville située à la pointe occidentale de la partie européenne de la Turquie], et de là nous partîmes escortés d’une garde de soldats à la ville forteresse de Akka, où nous fûmes emprisonnés et surveillés de près ».
LE PREMIER ÉTÉ
"Nous n’avions aucune communication avec le monde extérieur. Chaque miche de pain était coupée et ouverte par le garde pour voir si elle ne contenait pas de message. Tous ceux qui croyaient en la Manifestation Bahá’íe, enfants, hommes et femmes, étaient emprisonnés avec nous. Nous étions cent cinquante dans deux pièces et nul n’avait la permission de quitter l’endroit à l’exception de quatre personnes, qui allaient sous escorte au bazar faire le marché tous les matins. Le premier été fut épouvantable. Akka est une ville infestée par la fièvre. Il était dit qu’un oiseau tentant de voler au-dessus tomberait mort. La nourriture était pauvre et insuffisante, l’eau était tirée d’un puits infecté et le climat et les conditions étaient tels, que même les natifs de la ville tombaient malades. De nombreux soldats succombèrent et huit de nos dix gardes moururent. Durant l’intense chaleur, la malaria, la fièvre typhoïde et la dysenterie frappèrent les prisonniers, ce qui fit que tous, hommes, femmes et enfants furent malades en même temps. Il n’y avait pas de médecins, pas de médicaments, pas de nourriture saine, et aucun traitement d’aucune sorte.
J’avais l’habitude de faire du bouillon pour les prisonniers, et comme j’avais beaucoup de pratique, je faisais du bon bouillon" dit Abdu’l-Bahá en riant.
A cet instant un des Persans m’expliqua que c’était en raison de sa merveilleuse patience, de sa serviabilité et de son endurance que Abdu’l-Bahá fut toujours appelé le « Maître ». Chacun pouvait facilement sentir son autorité au travers de sa complète indépendance par rapport au temps et au lieu, et de son détachement absolu de tout ce qu’une prison turque pouvait infliger.
DE MEILLEURES CONDITIONS
« Après deux années d’emprisonnement des plus stricts, la permission me fut accordée de trouver une maison afin que nous puissions vivre en dehors des murs de la prison mais toujours à l’intérieur des fortifications. Beaucoup de croyants vinrent de Perse pour nous rejoindre mais on ne leur permettait pas de le faire. Neuf années passèrent. Quelquefois nous étions beaucoup mieux et d’autres fois nettement moins bien. Cela dépendait du Gouverneur, qui, s’il s’avérait être un souverain bon et clément, nous accordait la permission de quitter les fortifications, et permettait aux croyants de se rendre à notre demeure librement; mais quand le Gouverneur devenait plus rigoureux, davantage de gardes étaient placés autour de nous, et souvent des pèlerins venus de loin étaient renvoyés ».
J’appris par la suite d’un Persan qui durant ces temps troublés était un membre du foyer de Abdu’l-Bahá que le gouvernement turc ne pouvait pas croire que l’intérêt des visiteurs anglais et américains fut purement spirituel et non politique. Aussi, souvent refusa-t-on à ces pèlerins la permission de le voir, et, de nombreuses fois, tous les voyageurs venant d’Amérique étaient simplement récompensés par une vision fugitive de Abdu’l-Bahá à la fenêtre de sa cellule.
Le gouvernement pensait que le tombeau du Bab, imposant bâtiment sur le Mont Carmel, était une fortification érigée avec l’aide de l’argent américain, et qu’il était en train d’être armé et transformé secrètement en garnison. La suspicion grandit avec chaque nouvelle arrivée. Il en résulta davantage d’espions et de gardes.
LE COMITÉ DE ‘ABDU’L-HAMID
Un an avant que ‘Abdu’l-Hamid ne fut détrôné, il envoya un comité d’investigation extrêmement arrogant, insultant et perfide. Son président, Arif Bey, était l’un des hommes du gouverneur, et trois commandants d’armée de rangs divers l’accompagnaient.
Immédiatement après son arrivée, Arif Bey se mit à me dénoncer et à essayer d’avoir des preuves suffisamment fortes pour justifier que je sois envoyé à Fizan ou jeté à la mer. Fizan est une station de caravanes à la frontière vers Tripoli où il n’y avait ni maisons ni eau. C’est à un mois de voyage de Akka à dos de chameau.
Le comité s’enquit deux fois de ce que j’avais à dire pour ma propre défense et deux fois je répondis: « je connais votre but, je n’ai rien à dire ».
Cela mit tellement Arif Bey en furie qu’il déclara qu’il retournerait à Constantinople et rapporterait un ordre du Sultan pour me faire pendre aux portes de Akka. Lui et son comité mirent les voiles munis d’un rapport contenant les accusations suivantes: ‘Abdu’l-Bahá est en train d’instituer une nouvelle nation dont il sera le roi; Abdu’l-Bahá est en train d’élever la bannière d’une nouvelle religion; Abdu’l-Bahá a construit ou a été à l’origine de fortifications à Haïfa, un village voisin, et il est en train d’acheter toutes les terres environnantes’.
A cette époque un bateau italien accosta dans le port envoyé sur ordre du Consul italien. Il avait été prévu que je m’enfuirais de nuit à son bord. Les Bahá’ís de Akka m’implorèrent pour que je parte mais j’envoyai ce message au capitaine: « Le Bab ne s’est pas enfui; Bahá’u’lláh ne s’est pas enfui; je ne m’enfuirai pas », et le bateau leva les voiles après avoir attendu trois jours et trois nuits.
C’est pendant le retour du comité du Sultan que le premier obus fut lancé dans le camp de ‘Abdu’l-Hamid et que le premier coup de feu de la liberté fut tiré dans le foyer du despotisme. C’était l’arme à feu de Dieu", dit Abdu’l-Bahá avec un de ses sourires merveilleux.
« Quand le comité atteignit la capitale turque, il fallait penser à des choses plus urgentes. La ville était en état d’effervescence et de rébellion, et le comité, en tant que membres du personnel du gouvernement, fut chargé d’enquêter sur l’insurrection. Pendant ce temps le peuple instaura un gouvernement constitutionnel et ‘Abdu’l-Hamid n’eut aucune chance d’agir ».
LA LIBÉRATION
« Avec l’avènement de la suprématie des jeunes Turcs grâce au Comité Union et Progrès, tous les prisonniers politiques de l’Empire ottoman furent relâchés. Les événements permirent d’enlever les chaînes de mon cou et de les passer à celui d’Hamid; Abdu’l-Bahá sortit de prison et ‘Abdu’l-Hamid y entra! »
« Que devint le comité d’investigation? » demanda quelqu’un, rompant le profond silence qui avait suivi le récit de cette frémissante page d’histoire. « Arif Bey », continua Abdu’l-Bahá, « fut tué de trois balles, le général fut exilé, le gradé suivant mourut, et le troisième homme s’enfuit au Caire, où il rechercha et reçut l’aide des Bahá’ís ».
« Nous direz-vous ce que vous avez ressenti en prison et ce que vous pensez de votre liberté? » demandai-je. « Nous sommes heureux que vous soyez libres ». « Merci », dit-il gracieusement, et continuant:
« La liberté n’est pas une question d’endroit. C’est une condition. J’étais reconnaissant en prison, et le manque de liberté m’était très plaisant, car ces jours furent passés dans le sentier du service portant des fruits et des résultats sous les plus grandes difficultés et les plus grandes épreuves. A moins d’accepter de dures vicissitudes, on ne peut atteindre cette condition. Pour moi la prison est la liberté, les troubles me reposent, la mort est la vie, et être méprisé est un honneur. Voilà pourquoi j’étais heureux durant tout ce temps en prison. Quand quelqu’un est libéré de la prison du moi, c’est une vraie libération, car cette prison du moi est la plus grande. Quand cette libération a lieu, alors on ne peut plus être réellement emprisonné. Quand ils mettaient mes pieds dans des cales, je disais au garde, "Vous ne m’emprisonnez pas vraiment, car ici j’ai de la lumière et de l’air et du pain et de l’eau. Il viendra un temps où mon corps sera dans la terre, et je n’aurai ni lumière, ni air, ni nourriture, ni eau mais même à ce moment là je ne serai pas prisonnier". Les afflictions que rencontre l’humanité quelquefois braquent notre conscience sur nos limitations, et cela est une véritable prison. La libération consiste à faire de notre volonté une porte par laquelle les confirmations de l’Esprit entrent ».
Cela ressemblait tellement à de la théologie ancienne que le moderne en moi se réveilla me demandant si la discipline pouvait être compensée par l’effort. « Que voulez-vous dire par les confirmations de l’Esprit? »
« Les confirmations de l’Esprit sont tous ces pouvoirs et ces dons avec lesquels certains naissent (et que les hommes quelquefois appellent le génie), mais pour lesquels d’autres doivent faire des efforts pénibles. Elles échoient à l’homme ou à la femme qui accepte sa vie avec un acquiescement rayonnant ».
Un acquiescement rayonnant, telle était la qualité que Abdu’l-Bahá nous avait tous soudainement inspirée tandis qu’il nous disait au revoir.
Ce fut une expérience remarquable, d’entendre quelqu’un qui avait passé quarante ans en prison déclarer « Il n’y a pas de prison sauf celle du moi »; et ce messager de l’Est en robe blanche forgeait notre esprit à cette conviction, en nous montrant la sortie, non par le chemin de la « Renonciation », mais par celui du « Détachement ». Un acquiescement rayonnant - ce sentier lumineux pour sortir de la « plus grande prison du moi » comme Abdu’l-Bahá avait si magnifiquement dénommé ces barreaux qui nous séparent de notre propre épanouissement.
Isabel Fraser, Journaliste
2.53. SALUTATIONS D’ADIEU PLEINES D’AFFECTION
Après avoir quitté Londres et durant son séjour de deux mois à Paris, Abdu’l-Bahá envoya fréquemment des messages à ces amis anglais dont certains firent le voyage jusque-là pour y profiter de ses conférences. A la veille de son départ pour Alexandrie, il donna le message d’adieu suivant en guise d’admonition aux populations de France et d’Angleterre.
« Travaillez », disait-il sans cesse, « pour le jour de la Paix Universelle. Efforcez-vous toujours d’être unis. La bonté et l’amour dans le sentier du service doivent être vos instruments. »
« C’est avec une affection débordante que je dis adieu aux gens de France et d’Angleterre. Je suis très content d’eux. Je leur conseille de fortifier jour après jour le lien d’amour et d’amitié à cette fin: qu’ils deviennent l’incarnation sympathique d’une seule nation. Qu’ils développent entre eux une fraternité universelle pour garder et protéger les intérêts et les droits de toutes les nations de l’Est, qu’ils déploient la bannière divine de la Justice, qu’ils traitent chaque nation comme une famille composée d’autant d’enfants de Dieu et qu’ils sachent qu’aux yeux de Dieu les droits de tous sont égaux. Car nous sommes tous les enfants d’un seul Père. Dieu est en paix avec tous ses enfants; pourquoi devraient-ils s’engager dans la lutte et la guerre entre eux? Dieu fait pleuvoir sa bonté; pourquoi les habitants de ce monde devraient-ils montrer de la méchanceté et de la cruauté? Je prierai pour vous afin que vous soyez illuminés par la lumière de l’Eternel ».
2.54. SALUTATIONS DE ABDU’L-BAHA ENVOYÉES DE PARIS POUR LONDRES
Octobre 1911
Compte rendu verbal de Mme Enthoven à l’attention de tous les amis, et maintenant consigné de mémoire par écrit.
Abdu’l-Bahá envoya ses salutations à tous, demandant à tous de continuer d’acquérir de la force dans leur foi et du courage dans sa proclamation.
Il parla beaucoup du plaisir qu’il avait ressenti dans l’atmosphère de l’Angleterre. Il dit qu’il y avait chez les Anglais une force de caractère et une fermeté qu’il aimait et admirait. Il y avait de l’honnêteté et de la droiture. Ils étaient lents à démarrer une nouvelle idée, mais, quand ils le faisaient, c’était alors parce que leur esprit et leur bon sens leur avaient dit que l’idée était bonne.
Les Anglais en tant que nation lui ont beaucoup plu.
Les croyants, ajouta-t-il, doivent manifester leur foi dans leur vie quotidienne, afin que le monde puisse voir la lumière briller sur leur visage. Un visage rayonnant et épanoui réjouit les gens sur leur chemin. Si vous êtes tristes, lorsque passe un enfant qui rit, l’enfant, voyant votre visage triste, cessera de rire, ne sachant pourquoi. Si le jour est sombre, combien est prisé un rayon de soleil! Ainsi donc, que les croyants montrent un visage souriant et heureux, rayonnant comme les rayons du soleil dans l’obscurité. Que la lumière de la vérité et de l’honnêteté brillent en eux, afin que tous ceux qui les regardent sachent que leur parole dans les affaires ou dans les loisirs sera une parole digne de confiance et à laquelle on peut se fier.
Oubliez votre moi et travaillez pour tout le genre humain. Souvenez-vous toujours qu’on travaille pour le monde, non pas pour une ville ni même pour un pays; parce que comme tous sont frères, ainsi chaque pays est comme le nôtre.
Souvenez-vous par-dessus tout de l’enseignement de Bahá’u’lláh concernant les commérages et les ragots au sujet des autres. Les histoires racontées à propos des autres sont rarement bonnes. Il vaut mieux une langue silencieuse. Même le bien peut être préjudiciable, s’il est dit au mauvais moment ou à la mauvaise personne.
Finalement Abdu’l-Bahá envoya ses salutations et ses bénédictions à tous, et m’assura que constamment il pensait à nous et priait pour nous.
A un homme distingué qui le questionnait, il fit remarquer: "Les débuts de toutes les grandes religions furent purs; mais les prêtres, prenant possession de l’esprit des gens, les remplirent de dogmes et de superstitions, et la religion devint peu à peu corrompue. Je ne viens enseigner aucune religion nouvelle. Mon seul désir est, grâce aux bénédictions de Dieu, de montrer la route vers la grande lumière". Touchant amicalement l’homme distingué sur l’épaule, comme un père bienveillant toucherait son fils, il partit en disant: "Je ne suis pas un Prophète, seulement un homme comme vous".
26 novembre 1911
2.55. MESSAGE AUX BAHÁ’ÍS DE LONDRES POUR LE JOUR DE ABDU’L-BAHA
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
Les portes du Royaume de Dieu sont ouvertes!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
Les armées des anges descendent du Paradis!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
Le Soleil de Vérité se lève!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
La nourriture céleste est envoyée de là-haut!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
La trompette sonne!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
La bannière de la Plus Grande Paix flotte déployée au loin!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
La lumière de la lampe de l’unicité de l’humanité brille avec éclat!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
Le feu de l’amour de Dieu s’embrase!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
L’Esprit Saint est déversé!
Bonnes nouvelles! Bonnes nouvelles!
Car la vie éternelle est ici!
O vous qui dormez, réveillez-vous!
O vous qui êtes insouciants, apprenez la sagesse!
O aveugles, recevez la vue!
O sourds, entendez!
O muets, parlez!
O morts, levez-vous!
Soyez heureux!
Soyez heureux!
Soyez pleins de joie!
C’est le jour de la proclamation du Bab!
C’est le festival du précurseur de la Beauté Bénie [nota : Bahá’u’lláh].
C’est le jour de l’aube du Matin de Direction!
Gracieusement transmis par Mme Enthoven
VOYAGES DE ABDU’L-BAHA DE 1908 A 1913
1908 septembre : Abdu’l-Bahá recouvre sa liberté [voir : « Dieu passe près de nous », Shoghi Effendi, pp.270-271, MEB, Bruxelles, 1976) et Abdu’l-Bahá, the Center of the Covenant, Bahá’í history calendar 1993 - 149/150 Bahá’í Era, the National Spiritual Assembly of the Bahá’ís of Hawaiian Islands, 1992]
1910 septembre :
Départ pour l’Egypte
1911 :
11 août : Embarquement (en Egypte) à bord du S.S. Corsica pour Marseille
19 août : Bref arrêt à Thonon-les-Bains
04 septembre : Arrivée à Londres
08 septembre : Fête de l’unité chez Mademoiselle E.J. Rosenberg
09 septembre : Première visite à Vanners (Byfleet)
10 septembre : Première allocution publique au temple de la cité
13 septembre : Réunion chez Madame Thornburgh-Cropper
17 septembre : Allocution à l’église de Saint Jean à Westminster
22 septembre : Fête de l’unité chez Mesdemoiselles Jack et Herrick
23-25 septembre : Visite de Bristol
28 septembre : Seconde visite à Vanners (Byfleet)
29 septembre : Réunion d’adieu à Abdu’l-Bahá
30 septembre : Allocution au siège de la société théosophique
01 octobre : Célébration d’un mariage Bahá’í
03 octobre : Départ de Londres pour Paris
02 décembre : Départ de Paris pour l’Egypte
1912 :
25 mars : Embarquement (en Egypte) à bord du Cédric pour New-York (via Naples)
29 mars : Arrivée à Naples où Shoghi Effendi est contraint par les autorités médicales de renoncer à accompagner Abdu’l-Bahá aux Etats-Unis
30 mars : Embarquement (à Naples) à bord du Cédric pour New-York
11 avril : Arrivée à New-York
05 décembre : Embarquement (à New-York) à bord du S.S. Celtic pour Liverpool
13 décembre : Arrivée à Liverpool
16 décembre : Arrivée à Londres
1913 :
06 janvier : Visite d’Edimbourg
15 janvier : Visite de Bristol
21 janvier : Départ de Londres pour Paris
06 février : Visite de Versailles
30 mars : Départ de Paris pour Stuttgart
09 avril : Départ de Stuttgart pour Budapest (via Vienne)
25 avril : Retour à Stuttgart
01 mai : Départ de Stuttgart pour Paris
13 juin : Embarquement (à Marseille) à bord du S.S. Himalaya pour l’Egypte
16 juin : Arrivée en Egypte
05 décembre : Retour à Haïfa clôturant ses voyages historiques
PREFACE ET INTRODUCTION
PRÉFACE DE LA TRADUCTION FRANÇAISE
Parmi les ouvrages de référence de la littérature Bahá’íe, il en existe plusieurs dans lesquels on peut trouver une réponse thématique de Abdu’l-Bahá à certaines questions ou le contenu d’allocutions qu’il a données lors de ses voyages en Occident. Les plus connus sont « Les leçons de St Jean d’Acre » (Some answered questions), « Les causeries de Abdu’l-Bahá à Paris » (Paris talks), « Abdu’l-Bahá à Londres » (Abdu’l-Bahá in London) et « The promulgation of universal peace ». La présente traduction vient donc enrichir la littérature bahá’íe en langue française du troisième fleuron de ce type d’ouvrages de référence. Seul le livre « The promulgation of universal peace », qui est l’équivalent pour les Etats-Unis de ceux concernant Paris et Londres, n’a pas encore été traduit en français. Pourquoi accorder tant d’importance à ces ouvrages? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les propos de Abdu’l-Bahá, qui sont ceux d’un homme proche de septante ans, dont la culture et l’environnement furent exclusivement persan et moyen-oriental jusqu’avant son départ pour l’Ouest, et dont la vie de huit ans à soixante-quatre ans fut parsemée d’exils, d’emprisonnements et d’épreuves en tout genre, les propos de cet homme saint donc, parlent au coeur de l’occidental jeune, libre et bouillonnant d’énergie.
Peut-être serait-il bon, à l’attention de ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire de la Foi Bahá’íe, d’insister sur le rang unique de Abdu’l-Bahá. Cet être incarne au plus haut degré les vertus humaines telles que la sagesse, le contentement, la modestie, la bienveillance, la courtoisie et la modération. Durant toute sa vie Abdu’l-Bahá a témoigné d’une fidélité exemplaire à l’égard de son père Bahá’u’lláh. Il L’a servi comme nul autre fils ne pourrait servir son père; il L’a suivi dans Ses exils et jusque dans Ses cellules. Il Lui a obéi en ne montrant toujours que joie et loyauté; l’idée de se flatter d’être le fils d’une Manifestation divine ne l’a jamais effleuré; bien au contraire, sa vie n’a été qu’humilité et service envers autrui. Cette fidélité exemplaire à l’égard de son père s’est prolongée par une fermeté inébranlable dans l’application du Testament de la Plume de Gloire (le Kitab-i-’Ahd de Bahá’u’lláh), Testament qui faisait de lui le Centre de l’Alliance de Bahá’u’lláh avec l’humanité. Sans cette fidélité exemplaire et cette fermeté inébranlable, la Cause divine proclamée par l’Ancien des Jours [nota : nom désignant Bahá’u’lláh] n’aurait point l’éclat resplendissant dont elle s’est ornée au cours de ce second siècle de l’ère Bahá’íe. Il est d’ailleurs pertinent de noter que Bahá’u’lláh surnomma Abdu’l-Bahá le Mystère de Dieu, le désigna comme l’exemple parfait et lui attribua le titre de Maître. Abdu’l-Bahá témoigne d’une compréhension à un degré inégalable par le simple mortel de la Révélation divine dont Bahá’u’lláh est la source. Et puis il y a cette patience et cette virtuosité avec lesquelles il a su expliquer aux peuples de l’Ouest les enseignements de la Beauté Bénie [nota : nom désignant Bahá’u’lláh]. Quand on pense à l’âge qu’avait Abdu’l-Bahá quand il a commencé ses voyages (soixante-sept ans) et aux conditions dans lesquelles le transport se déroulait à l’époque, il n’est pas peu dire que cette entreprise fut héroïque.
Trois des quatre ouvrages mentionnés précédemment sont les merveilleux fruits de ses voyages épiques. Ces ouvrages sont exaltants à lire. Leur lecture génère un engouement débordant d’enthousiasme. Abdu’l-Bahá y est céleste et pédagogue, comme s’il possédait un pied et un oeil dans l’autre monde et nous disait clairement et sereinement ce qui nous attend là-haut en nous aidant à comprendre comment accéder à ce Royaume éternel. Abdu’l-Bahá y est céleste car de son discours jaillit un océan de dévotion et d’amour à l’égard de Dieu; il y est pédagogue car ses réponses sont simples et concises, entièrement adaptées à l’oreille de son auditoire. Voilà pourquoi les propos de cet homme saint parlent au coeur de l’occidental jeune, libre et bouillonnant d’énergie.
Cyril Tirandaz
NOTES DE TRADUCTION
Cet ouvrage est la traduction française du livre anglais « Abdu’l-Bahá in London (Addresses & Notes of Conversations) » publié à l’occasion du 75ème anniversaire du passage de Abdu’l-Bahá au Royaume-Uni. Le canevas original de ce livre fut en fait édité pour la première fois grâce aux bons offices de Lady Blomfield en 1912 [nota : voir aussi la longue note sur « Lady Blomfield » chap. 1.8 « Réunion d’adieu à Abdu’l-Bahá »]
La présente traduction française a donc été réalisée à partir de l’édition commémorative de 1987. Il convient de souligner trois points avant que le lecteur n’entreprenne la lecture de cette traduction.
Premièrement, une note de l’éditeur de l’édition anglaise de 1987 spécifie que certains matériaux originaux qui ont servi de base à cet ouvrage ne sont plus disponibles et qu’en conséquence il est dorénavant impossible de vérifier l’exactitude et la justesse de la traduction de certains mots de Abdu’l-Bahá. Il va donc de soi que si l’édition anglaise admet en son sein des mots inappropriés, ceux-ci se retrouveront inéluctablement dans la traduction française. A ce sujet il est souhaitable de citer Shoghi Effendi:
« En ce qui concerne "Abdu’l-Bahá à Londres", rien ne peut être considéré comme de l’histoire sainte tant que nous n’avons pas un texte original. Un compte rendu sténographique, en persan, de ses paroles serait, bien entendu, plus digne de confiance qu’un rapport en anglais car il n’a pas toujours été interprété avec exactitude. Cependant, un tel livre est de valeur, et a certainement sa place dans notre littérature. » [voir : « Les Principes de l’Administration Bahá’íe », p.42, compilation, 2ème édition 1983, MEB, Bruxelles)]
Deuxièmement, la présente traduction française s’est voulue la plus proche possible des mots et de la syntaxe d’origine. Cette approche fut choisie pour mettre en valeur la simplicité des termes et des tournures de phrase utilisés. Comme toute approche, elle comporte des inconvénients; certains la trouveront trop anglicisée, d’autres peu académique, mais l’essentiel résidait dans l’authenticité et la fraîcheur du vocabulaire et du style.
Enfin, il a semblé opportun d’ajouter à la traduction française des notes de traduction afin d’enrichir en quelques endroits la connaissance du lecteur ou simplement afin de lui faciliter la compréhension de certains passages. Il a également paru utile de compléter cet ouvrage d’une chronologie des voyages de Abdu’l-Bahá de 1908 à 1913.
Le traducteur
PRÉFACE DE L’ÉDITION ANGLAISE DE 1987
Sur une période de 23 mois couvrant les années de 1911 à 1913, un « prisonnier d’opinion », nom que nous lui donnerions de nos jours, accomplit de nombreux voyages à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Abdu’l-Bahá Abbas avait été libéré de sa captivité ottomane en 1908 après plus d’un demi siècle d’exils, d’emprisonnements et de mises en résidence surveillée [nota : l’édition anglaise indique l’année 1901 mais en fait Abdu’l-Bahá a été libéré en 1908 suite à la révolution des jeunes Turcs. D’ailleurs, Abdu’l-Bahá eut soixante-cinq ans en 1909]. Il avait soixante-cinq ans, et sa santé s’était détériorée au fil des épreuves qu’il avait subies; cependant, après sa libération, il décida d’entreprendre cette aventure, dans un esprit dont son nom même porte témoignage.
Abdu’l-Bahá (« le Serviteur de Bahá ») était le fils aîné de Mirza Husayn-’Ali Nuri, plus connu dans l’histoire sous le nom de Bahá’u’lláh, « La Gloire de Dieu », personnage fondateur de la Foi Bahá’íe considéré par les Bahá’ís comme étant la Manifestation ou le Messager de Dieu pour notre époque. Après le décès de son père en 1892, Abdu’l-Bahá devint le chef de la religion dont il allait propager les idéaux et les enseignements.
Il visita l’Angleterre en 1911, restant la plupart du temps à Londres, puis il y revint à la fin de l’année suivante pour une tournée de plus grande envergure qui le mena jusqu’à Edimbourgh [nota : pour avoir une vision globale des voyages de Abdu’l-Bahá après sa libération du joug ottoman, cf. la chronologie des voyages de Abdu’l-Bahá de 1908 à 1913 présentée en dernière partie de ce livre]. Dans ce pays comme partout ailleurs il fut bien accueilli. Son allure digne et ses manières pleines de tendresse rallièrent à lui ceux qui le rencontrèrent. Les souffrances qu’il avait subies sans amertume les émurent. Le message d’amour, d’unité, d’unicité de l’humanité et d’harmonie des religions qu’il donna, séduisit tous ceux qui voyaient au-delà des structures rigides de classe, de croyance et de race, qui prévalaient en ce temps-là.
Les comptes rendus de l’époque et les articles de presse témoignent de l’étendue et du succès des talents de Abdu’l-Bahá. Pourtant, de prime abord, le résultat fut de courte durée, balayé par la frénésie du nationalisme et du militarisme qui s’abattit sur le monde en août 1908, et défait par le pessimisme et le cynisme qui suivirent ce que nous appelons encore la Grande Guerre.
En fait, grâce à un développement patient principalement dirigé par Shoghi Effendi, petit-fils de Abdu’l-Bahá qui lui succéda à son décès en 1921 et qui prit la tête de la Foi Bahá’íe jusqu’à sa propre mort en 1957, la communauté grandit, s’étendit, s’enracina, et développa la structure administrative qui assurerait sa survie tout au long de bouleversements ultérieurs. En conséquence, on compte maintenant des Bahá’ís partout dans le monde, représentés par 150 Assemblées nationales et 33.000 Assemblées locales [nota : en septembre 1993 on comptait 165 Assemblées nationales, 20.435 Assemblées locales (forte diminution suite à la révision des limites civiles des unités électorales en Inde), et la littérature Bahá’íe était traduite dans 802 langues]. La littérature Bahá’íe est traduite en près de 800 langues et le statut de la Foi Bahá’íe en tant que religion mondiale indépendante est largement reconnu par les autorités religieuses et civiles.
Les Bahá’ís s’efforcent de mettre en pratique les idéaux dont Abdu’l-Bahá incarna l’exemple par sa vie et par son travail. Il est donc opportun, alors que leur Foi commence à être plus connue du public, que ce petit livre soit réimprimé. Un célèbre auteur anglais écrivit un jour que "Le passé est un pays étranger: on y fait les choses différemment". Peut-être, mais l’esprit qui se trouve derrière certaines choses ne change pas.
Iain S. Palin
Septembre 1987
INTRODUCTION DE L’ÉDITION ANGLAISE DE 1912
Seuls quelques-uns des croyants de Londres et de Paris avaient eu le bonheur de pouvoir voyager à Akka [nota : aujourd’hui Acco en Israël, ville encore appelée St Jean d’Acre dans les ouvrages d’histoire] pour rencontrer Abdu’l-Bahá, entendre sa voix, être inspirés et spirituellement nourris par sa personne. Le plus grand nombre demeurait dans l’attente de le voir et de converser avec lui, mais se heurtèrent à divers empêchements. Le croyant ferme qui avait diligemment gardé le flambeau en Angleterre avait pu penser que, les fers de l’éducateur étant brisés et les portes de sa prison ouvertes, il pourrait recouvrer la santé et trouver une consolation dans le voyage et rendre enfin visite à son peuple de l’Ouest. Pour eux une telle joie semblait presque inimaginable et quand cette visite tarda ils s’interrogèrent d’un air dubitatif: « Et la promesse de sa venue? » Leur joie explosa lors de sa venue. Il arriva à Londres avec la quiétude de la Plus Grande Paix, pratiquement sans y avoir été annoncé. Le premier et ultime dessein de son voyage était l’inauguration sereine de la Plus Grande Paix.
Installé sous le toit de celle qu’il avait appelé sa « fille respectée », il se sentit heureux et immédiatement « chez lui ». Quant à la foule des visiteurs, elle accourait pour lui rendre hommage et recevoir sa bénédiction continuellement jour après jour. L’atmosphère qui l’entourait s’harmonisait avec le ton parfait de sa courtoisie et de sa bienveillance infatigables. Des professeurs de différentes croyances vinrent et furent conquis par le charme de ses manières et la conviction de son âme. Son message d’unité pénétra profondément les coeurs de ceux qui l’écoutaient, quelle que soit la foi à laquelle ces auditeurs adhéraient.
Nombreuses furent les questions et nombreux ceux qui les posèrent. Ses réponses, bien que probablement altérées par la traduction, surprirent et enchantèrent ceux qui l’entendaient. Sa maîtrise des questions qui les préoccupaient, ses réponses vives et ardentes, émerveillèrent et furent reçues cordialement. Quelquefois on le persuada de marcher dans des rues grouillantes ou dans l’un ou l’autre des parcs embrasés par les rayons du soleil d’un splendide été. Parfois et pour le grand plaisir et l’élévation des Bahá’ís il fut convié dans les groupes du centre ville. Là il prononça des discours, habituellement brefs, mais toujours précis, portant directement sur sa mission ou sur son message. Sa voix était toujours vibrante avec des paroles d’unité et de paix. Seulement une fois ou deux se permit-il le plaisir de rendre visite à des amis à la campagne. Dans un village typique où il se rendit avec un véhicule motorisé, et à Bristol, une grande ville dans l’ouest du pays, il trouva non seulement une hospitalité empreinte de gaieté mais aussi une écoute révérencieuse et attentive. Lors de certaines journées mémorables, Abdu’l-Bahá s’adressa à de larges audiences dans des lieux de culte et de services sociaux. Le pasteur du temple de la cité, le révérend R.J. Campbell M.A. le présenta avec des paroles pleines d’amabilité, à une congrégation débordante qui entendit Abdu’l-Bahá avec un intense intérêt, l’allocution étant donnée en anglais immédiatement après.
A l’église de Saint Jean à Westminster, le vénérable archidiacre Wilberforce organisa un office similaire, la congrégation s’agenouillant à sa demande pour recevoir la bénédiction de Abdu’l-Bahá. A l’établissement de Passmore Edwards sur la Place Tavistock, un vaste auditoire s’assembla pour le voir et l’entendre.
Une impression profonde est restée dans l’esprit et la mémoire d’hommes et de femmes de toutes sortes et de toutes conditions. L’extraordinaire sympathie de Abdu’l-Bahá s’avéra être en chaque circonstance aussi utile que son discernement et sa perspicacité pour traiter de difficultés furent-elles subtiles ou évidentes. Quiconque l’approcha se sentit compris et fut étonné et réconforté par la maîtrise avec laquelle Abdu’l-Bahá analysait les différences entre les religions, et surtout leurs points communs. Quelquefois dans des discours bref mais magistraux, ou d’autres fois, par le biais de questions et de réponses, des thèmes d’intérêt particulier ou général furent exposés et expliqués.
Le séjour de Abdu’l-Bahá à Londres fut hautement apprécié, et son départ grandement regretté. Il laissa derrière lui de très nombreux amis. Son amour avait fait naître l’amour. Son coeur s’était ouvert à l’Ouest et le coeur de l’Occident avait refermé son étreinte sur cette présence patriarcale venue d’Orient. Ses paroles produisaient un effet non seulement sur ses auditeurs présents, mais encore sur les hommes et les femmes en général. Sa vision était si optimiste, son âme si encline à la proclamation des principes d’unité et de paix, qu’il n’était pas permis que ses discours et ses réponses ne soient pas rapportés. Cette tentative de les reproduire au profit de tous ceux qui les liront, est faite dans l’espoir réel et certain qu’à travers eux, le but et le travail de l’orateur soient saisis et ses efforts mis en valeur par les adeptes de toutes les croyances et les habitants de toutes les régions.
Eric Hammond
TEXTE EN PROSE DATANT DE L’ÉDITION ANGLAISE DE 1912
Les douleurs du monde qui enfante
Pourquoi les nations sont-elles dans les douleurs de l’enfantement aux derniers confins de la terre?
De l’Est à l’Ouest quels sont ces signes?
Quel Sauveur naît dans la douleur?
La Chine se réveille de son sommeil séculaire, car la contrée du soleil levant
A montré à l’Est qu’elle peut rivaliser avec l’Ouest en marchandises et en armes à feu;
Jaune et basané, mongol et maure,
Tu compteras avec ceux-ci, mon fils.
Qui reliera l’Est à l’Ouest? Qui les unira?
Le Seigneur Bouddha, l’Illuminé, ou Celui qui vient de la plaine du Jourdain
Le Prophète d’Allah, ou Celui qui depuis peu a foulé le Carmel de ses pieds?
Le Fils le Plus Saint de Perse qui brilla de la Splendeur de Dieu?
Jamais l’Est ne s’attachera à l’Ouest
Tant que les dieux ne partageront pas la même demeure.
Le musulman dans le Coran entend la vérité qu’il doit apprendre;
L’hindou dans les Védas voit le chemin que ses pieds devraient emprunter;
En Moïse et les Prophètes, le juif restaure son âme;
Le chrétien, dans l’Evangile, trouve la vie qui est le Tout;
Et tous peuvent lire le même discours
Quelqu’en soit le parchemin.
"Que Dieu est un; que les hommes sont un; que la foi est toujours la même;
Que l’amour est toujours le mot le plus proche pour exprimer ce Nom sans nom".
Telle est la croyance de l’Est et de l’Ouest si tu en sondes les profondeurs, mon fils,
Car la Parole du Seigneur est unité, et la Volonté du Seigneur sera faite.
Les mains sont noires, blanches, jaunes ou marron,
Mais la couleur du coeur est une.
Harrold Johnson
Avec l’aimable autorisation du Daily News.
REMERCIEMENTS DE LA TRADUCTION FRANÇAISE
Le traducteur aimerait évoquer ici tout le soutien qu’il a reçu de la part de sa famille durant ce long travail. Les encouragements ont été constants et les relectures du texte français ont été nombreuses, souvent argumentées et toujours profitables. Toute ma gratitude et ma reconnaissance pour la solidarité pleine d’affection démontrée à cette occasion et pour toute l’attention et l’application accordées aux progrès de cette traduction.
Le traducteur aimerait également remercier Madame Jacqueline Martin pour avoir bien voulu relire le texte dans sa version encore inachevée et Monsieur Simon Van Pamel pour sa révision méticuleuse et exhaustive qui a consisté à rapprocher chaque ligne traduite du texte anglais d’origine. Ce travail laborieux a demandé un grand dévouement et je ne puis que témoigner de mon appréciation sans réserve des efforts entrepris et de la qualité qui en résulta.
Que vous soyez ici-bas
Ou partie dans l’au-delà
Que vous soyez fille de Bahá
Ou que vos actes soient votre foi
Il vit en moi un amour roi
Qui jamais ne diminuera
Que vous soyez à mes côtés
Ou simplement dans mes pensées
Que le Très-Haut vous ait guidées
Ou qu’Il vous ait protégées
Il vit en moi un feu de joie
Qui jamais ne s’éteindra
Quand vous vous rejoindrez là-haut
Et que vous danserez la vie
Quand vous serez à nouveau
De vos époux en compagnie
Gardez-vous de nous oublier
Pensez ensemble à vos petits
Et pour qu’ils servent plus, priez
Que tous leurs efforts soient bénis
Qu’ils soient dignes de vous aimer
Et votre mémoire d’honorer
Et puis pour nous n’omettez pas
De bien saluer Abdu’l-Bahá
Cyril Tirandaz
Mois des Noms, E.B. 153 (nov. 1996)
Traduction est dédiée à mes deux grand-mères.
© Maison d’éditions bahá’íes, Rue Henri Evenpoel 52-54, 1030 Bruxelles, Belgique